Monographie de la Province de l'Équateur
La province de l'Équateur est depuis 2015 une province de la république démocratique du Congo à la suite de l'éclatement de la province historique de l'Équateur. En 2015, l'ancienne province de l'Équateur est divisé en cinq nouvelles provinces : Équateur, Nord-Ubangi, Sud-Ubangi, Mongala et Tshuapa.
Présentation de la province de l’Équateur
Avenue Royal dans la ville de Mbandaka
L’actuelle province de l’Équateur n’est pas celle dont le président Mobutu était originaire. Jusqu’en 2014, son espace portait le statut de district du même nom dans la « grande » province de l’Équateur héritée de la période coloniale. Elle intègre la ville de Mbandaka, à la fois son chef-lieu et l’ancienne capitale de la «Grande Équateur ».
Première partie : l’Équateur physique
Note relative à l’orthographe des noms locaux
Divers noms de peuples, lieux, rivières… sont orthographiés de différentes manières, liées à l’origine des auteurs qui les ont utilisés. Dans cet ouvrage, les auteurs s’efforcent de privilégier l’orthographe la plus proche possible de celle utilisée par les populations concernées, en indiquant à chaque première occurrence du mot les autres orthographes possibles. Carte administrative de l’Équateur.
Ainsi: Nous préférons à « lac Tumba », l’orthographe officielle actuelle, celle de « lac Ntomba », nom du peuple de la région dans laquelle celui-ci se situe. Djamba, un peuple riverain du territoire de Bomomgo, s’écrit plutôt Zamba ou Dzamba par les autochtones eux-mêmes. Losakani, un peuple du territoire de Lukolela, s’écrit aussi Lusankany ou Losankani selon les sources. Nkundo, nom d’un clan mongo, s’écrit parfois Nkundu dans les textes de divers auteurs, ce qui est une erreur. Bamanya s’écrit aussi Bamania. C’est le cas aussi pour Lusanganya écrit Lusangania.
Chapitre 1 : Géographie et hydrographie
La province de l’Équateur se situe entièrement dans la cuvette congolaise. Il est traversé du nord au sud par le fleuve Congo. Celui-ci reçoit, sur la rive droite, les rivières Mongala et Ubangi, dont le principal affluent est la Ngiri. Sur la rive gauche, le fleuve reçoit les rivières Lulonga, Ikelemba et Ruki.
La province de l’Équateur peut être qualifié de pays du fleuve et des rivières, qui constituent les principales voies de transport et de contacts. Une grande partie du territoire est marécageuse et largement inondée pendant l’année. Des territoires entiers comme Bomongo, Mankanza et Lukolela manquent d’infrastructures routières. Il en est de même pour de larges parties des territoires de Bolomba et de Basankusu. Au sud-ouest, se trouve un lac résiduel, le lac Ntomba (nom déformé et écrit Tumba, cf. infra) et, à l’ouest, la vaste vallée herbeuse de la Ngiri, dans laquelle se situe le lac Mabale ou lac Libanda.
1. Situation géographique
L’Équateur est borné :
– Au nord par le district du Sud-Ubangi (territoires de Kungu et de Budjala) et par le district de la Mongala (territoire de Bongandanga) ;
– À l’ouest par la République du Congo;
– Au sud par la province de Mai-Ndombe et des Plateaux (les territoires de Kiri, de Yumbi et de Bolobo) ;
– À l’est par la province de la Tshuapa (les territoires de Befale, de Boende et de Monkoto).
Source: loi organique n° 15-006 du 25 mars 2015 portant fixation des limites des provinces et celle de la ville de Kinshasa.
La province de l’Équateur a pour chef-lieu la ville de Mbandaka et comporte sept territoires administratifs : Basankusu, Bolomba, Bomongo, Bikoro, Ingende, Lukolela et Mankanza.
1.1 Ville de Mbandaka
Taille estimée de la population 1187 837 hab.
Histoire
Sous la colonisation à l'époque de Léopold II, la ville , simple poste, est dirigée par le Belge Camille Coquilhat (1863-1891), dont elle porte le nom jusqu'en 1966, lorsque le président Mobutu décide de la débaptiser.
En 1883, Stanley s'arrête à six kilomètres au sud, à Wangata, alors qu'il remonte le Fleuve en direction de Kisangani, et baptise ce hameau "Équateur" et les Belges y créent leur premier poste. En 1891, ils abandonnent Wangata au profit de Mbandaka. Depuis, le chef-lieu de l'Équateur est composé de deux communes, Wangata et Mbandaka qui ne cessent de grandir.
Le plan d'urbanisme de la ville est dicté par la position du fleuve, de ses bras et affluents. C'est à Mbandaka que le jeune Joseph Désiré Mobutu a fait une partie de sa scolarité.
Données géographiques
a) Les limites territoriales
Au Nord : La rive gauche de la rivière Ruki; depuis son point de jonction avec la rive gauche du Fleuve Congo jusqu’au confluent Ruki rivière Isondjo.
À l’Est : La rivière Isondjo jusqu’à la source.
Au Sud : La rivière Mpandja depuis son confluent à la rive gauche du Fleuve Congo jusqu’à son intersection avec l’axe de la route de l’intérêt national Mbandaka- Bikoro; de ce point de la route d’intérêt local vers le Village Boyera. De ce Village, un sentier jusqu’à sa rencontre avec le lac Mpaku.
À l’Ouest : De ce point, la rive gauche du Fleuve Congo jusqu’à son point de jonction avec la rive gauche de la Ruki.
b) Les coordonnées géographiques
Latitude: 0°4 et longitude : 18°20
c) Altitude : 370m
d) Superficie : 1778 Km2 dont la commune de Wangata 1318 km2 et la commune de Mbandaka 460 km2.
type de climat : Equatoriale
Alternance des saisons
À Mbandaka, il y a absence presque totale de variétés des saisons selon des géographes. Tout au long de l’année, des mesures climatiques restent plus au constantes. Lorsqu’il faut approfondir la notion de la saison à Mbandaka, le climat équatorial présente certaines nuances qu’on peut appeler vulgairement « saison » au cours de l’année, réparti en quatre périodes ci-après:
NGANDA : qui va de mi-décembre jusqu’à la fin du moi de février. Cette période se caractérise par la baise du niveau du Fleuve de quelques mètres et une absence de pluie durant ce laps de temps, la pêche est favorable et abondante.
IKULU : commence vers le mois de mars, période pendant laquelle les pluies sont généralement modérées. On la reconnait par la manifestation des timides pluies au mois de mars et par leur forte augmentation au début d’avril.
TULI : Durant une partie du mois de Juin, jusqu’au mois d’août, les pluies se raréfient.
BONGOI : De mi-août à mi-décembre, période pendant laquelle les pluies sont fréquentes et abondantes.
Variation de température 25° moyenne annuelle.
Pluviométrie : en générale, les pluies abondantes toute l’année.
b) la nature du sol : il est Kaolin (argile épaisse et quelque peu pâteuse) de coloration toujours rouge résultant de la déshydratation de l’oxyde de fer.
c) Relief du sol : la Ville de Mbandaka qui est située dans la cuvette centrale ne présente aucune dénivellation. Elle est couverte des terrains sédimentaires non plissés et par la forêt équatoriale.
d) Le sous-sol : dans son sous-sol, à part les matériaux de construction tels que moellon, limonite, gravier, caillasse et sable, il n’y a d’autres matières.
e) Kilométrage des routes vitales :
- Intérêt national : 32 km, soit de la résidence du gouverneur jusqu’à Bongonde drapeau.
- Intérêt Local : De la résidence du Gouverneur jusqu’à la mission Catholique de Bamanya, 10 km, du croisement des avenues Mobutu et Lumumba jusqu’à Benonga dans le quartier Djombo, 16 km.
f) le végétation dominantes : elle est dense et Luxuriante.
Hydrographie :
La Ville de mbandaka se situe sur le long du Fleuve Congo de l’affluent Ruki. Des rivières de Boloko et de Ikelemba dans la commune de Mbandaka. Elle est traversée en certains endroits par des ruisseaux périodiques drainant l’eau des pluies vers le Fleuve . On citera : Botema Bofankele qui prend sa source à la Ruki traverse l’avenue Bonsomi et se jette sur le Fleuve au port Bralima. Bokolobo ndombe qui part de l’église protestante sur l’avenue Révolution pour se jeter à Socozelo; Lokombo qui commence à partir de Nkonda pour terminer au port Boteku à Bongandjo. Il en est aussi de la rivière Itolo qui a sa source au Village Boloko et débouche à Bongonde; enfin, le ruisseau Bosofa séparant le territoire de Bikoro à la commune de Wangata.
Données Culturelles
La population :
- Ethnies et tribus dominantes : Mbandaka étant le chef lieu de la Province de l’équateur, presque toutes les éthnies sont représentées à savoir : MONGO, BANGALA, BATSWA, NGOMBE, NGWANDI, NGWAKA;
- Les tribus dominantes de la Ville cosmopolite de Mbandaka sont : les Ngel’eantando, Mbolo, Ngombe, Ekonda, Libinza, Lokele, Mbuza, Mongando, Bokatola et Batswa;
Quant à la population étrangère, elle est venue de tous les continents : Africain; Européen, Américain et Asiatique.
Les principaux clans sont : Boloki, Eleku, Boyera et Wangata dont le nom commun Ngel’eantando qui signifie « l’aval du fleuve ».
Il existe un centre d’écoute conviviale pour les adolescents dans la commune de wangata, il est de même des écoles privées des enfants sourd-muet dans la commune de Mbandaka, il y a lieu de noter que la Ville n’a aucune école analphabétisme.
Parmi toutes les bibliothèques existantes à Mbandaka, la plus réputée est la bibliothèque dénommée » EQUATORIAT «Elle est le bijou de l’Equateur, du pays et du monde où on reçoit presque tous renseignements historiques de la Province de l'Equateur. Que les autorités tant nationale que provinciale songent à ce bijou. Donc, c’est là où loge l’histoire de l’Equateur.
En fait, les opérateurs économiques de l’Equateur ou du pays ne se donnent pas pour exercer le commerce de librairie. Néanmoins, certains commerçants essayent d’étaler quelques ouvrages dans des marchés.
Ensuite, les 4 écrivains reconnus dans le service de Culture et arts déposent leurs activités à la Division Provinciale de la culture et Arts.
Langues parlées dans cette ville
Les langues parlées dans la Ville en dehors de Français sont :
- Le Mongo 30%
- Les Batswa 20%
- Lingala 40%
- Autres 10%
Les principales activités économiques
Le commerce des produits manufacturés et les prestations de service à savoir : Agence de transport des fonds et frets.
Principaux produits agricoles
Les cultures vivrières : Manioc, Maïs, Riz, Patate douce, Bananier, Arachide, Canne à sucre, Ananas, Haricot et Niébé,
Les cultures pérennes : Caféier, Cacoayer, Palmier à Huile, Papayer; Manguier, Safoutier et avocatier.
Principaux produits non agricoles
Chenilles
Fumbwa
huile de palme
Principales sources d’énergie
- énergie électrique;
- torche;
- panneau solaire;
- groupe électrogène;
- bois de chauffage.
Situation sanitaire
Nombre d’hôpitaux 5
Nombre de centre de santé 55
Éducation
Enseignement primaire et secondaire
Écoles primaires 216
Écoles secondaires 90
Actuellement, la Ville de Mbandaka compte assez d’écoles primaires et secondaires.
Enseignement supérieur et universitaire
Universités 2
Instituts supérieurs 7
Accessibilité de la ville
Routes Oui
Voies aériennes Oui
Biefs navigables Oui
Train Non
De par sa position, la Ville de Mbandaka est placée dans la cuvette centrale. Ce n’est pas un hasard que cette Ville fut considérée comme réserve du roi Léopold II où regorge d’espèces d’arbres à Eala; à Mbandaka, il y a des lieux touristiques qui donnent la beauté attrayante et attirent les étrangers de visiter. Sur le plan zoologique, un vieux crocodile vit dans son sein.
Réseaux de communication
Africel Non
Airtel Oui
Orange Oui
Tigo Oui
Vodacom Oui
Tous les quatre réseaux cités ci-haut, permettent la communication entre à Ville de Mbandaka et certains territoire au niveau de la province.
Attraits touristiques
Parcs Oui
Jardins botaniques Oui
Jardin zoologiques Oui
Chutes d’eaux Non
Sites touristiques Oui
Sites sacrés Non
Dans la Ville, tous les sites touristiques tels que : le monument de martyr de l’indépéndance érigé dans l’enceinte de la commune de Wangata en 1960,
- la résidence du Gouverneur de province : un arbre nature depuis 1883;
- Jardin zoologique à Eala à 7 km de la Ville de Mbandaka.
Espèces phares de la faune
crocodile
singe
serpent
sanglier
pangolin
tortue
Espèces phares de la flore
wenge
sapelie
sipo
bubinga
Source : Cellule d'Analyses des Indicateurs de Développement (CAID)
Les Territoires
1.2. Territoire de Basankusu.
Le territoire de Basankusu a une superficie de 21 239 km². Il est borné :
– au nord: par le district de la Mongala (territoire de Bongandanga) ;
– à l’ouest: par le territoire de Mankanza ;
– au sud: par le territoire de Bolomba ;
– à l’est: par le territoire de Befale dans le district de la Tshuapa. Le territoire de Basankusu a été séparé de celui de Bolomba par l’ordonnance n° 31/181 du 13 avril 1955 fixant le nombre et les limites des territoires du district de l’Équateur, ce qui entraîna des modifications géographiques entre les deux territoires.
1.3. Territoire de Bolomba
D’une superficie de 24 598 km², il est limité :
– au nord: par le territoire de Mankanza et une partie du district de la Mongala (territoire de Bongandanga) ;
– à l’est: par le territoire de Basankusu et le district de la Tshuapa (avec le territoire de Befale) ;
– au sud: par le territoire d’Ingende et le district de la Tshuapa (territoire de Boende) ;
– à l’ouest: par le fleuve Congo le séparant du territoire de Bomongo.
1.4. Territoire de Bomongo
D’une superficie de 10 736 km², il est borné :
– au nord: par les territoires de Kungu et de Budjala (district du Sud-Ubangi) ;
– à l’ouest: par la rivière Ubangi (séparant Bomongo de la République du Congo/Brazzaville) ;
– à l’est: par le territoire de Mankanza et le fleuve Congo;
– au sud et au sud-ouest: par le territoire de Lukolela et la ville de Mbandaka sur le fleuve. Il est à noter que le 6 octobre 1976, Bomongo se sépara du territoire de Mankanza (qui était jusque-là un secteur).
1.5. Territoire de Bikoro
Il a une superficie de 13 842 km². Il est borné :
– au nord: par la ville urbaine de Mbandaka ;
– à l’est: par les territoires d’Ingende et de Kiri du district du Mai-Ndombe ;
– à l’ouest: par le territoire de Lukolela ;
– au sud: par le territoire d’Inongo, dans le district du Mai-Ndombe.
1.6. Territoire d’Ingende
Il a une superficie de 17 328 km². Il est borné :
– au nord: par le territoire de Bolomba ;
– à l’est: par les territoires de Boende et Monkoto (province de la Tshuapa) ;
– au sud: par le territoire de Kiri (province du Mai-Ndombe) ;
– à l’ouest: par le territoire de Bikoro.
1.7. Territoire de Lukolela
Il a été créé par l’ordonnance-loi présidentielle n° 76/297 du 6 octobre 1976 qui le détacha du territoire de Bikoro qui l’englobait. Il a une superficie de 8608 km² et il est borné :
– au nord: par le territoire de Bomongo;
– à l’ouest: par le fleuve Congo le séparant de la République du Congo/Brazzaville, précisément le département de la Likouala ; – au sud: par les territoires Yumbi et Inongo (districts des Plateaux et de Mai-Ndombe) ;
– à l’est: par le territoire de Bikoro.
1.8. Territoire de Mankanza
Il a une superficie de 7 091 km². Le territoire de Mankanza est délimité :
– au nord, par le territoire de Budjala ;
– à l’ouest, par le territoire de Bomongo;
– à l’est, par les territoires de Bolomba et de Bongandanga ;
– au sud, par le territoire de Bomongo.
2. Relief et climat
En pleine Cuvette centrale congolaise, l’Équateur se situe à 340 m d’altitude moyenne. Dans sa partie ouest, plus précisément dans le territoire de Bomongo, l’altitude se relève progressivement du sud au nord. La crête de partage des eaux de la rivière Ubangi et du fleuve Congo va jusqu’à atteindre le plateau ubanguien dans le Sud-Ubangi.
Le territoire de Bomongo est, dans son ensemble, une région basse et marécageuse, surtout dans le versant de la rivière Ngiri, où l’altitude moyenne est de 200 m. Ce bas relief se relève progressivement de la crête de partage des eaux de la Ngiri-Ubangi, jusqu’à atteindre plus de 360 m. Dans ce territoire, deux régions sont distinctes: une région marécageuse largement inondée dans le versant de la rivière Ubangi. Le long de la rivière Ngiri domine la savane herbeuse avec des îlots.
Le territoire de Bikoro occupe la partie la plus déprimée de la Cuvette centrale congolaise où l’on trouve de vastes zones marécageuses. Cette cuvette est une vaste plaine de plus d’1 000 000 km². Son fond est occupé par le lac Ntomba, d’une superficie de 500 km².
L’altitude moyenne de la ville de Mbandaka est comprise entre 340 et 355 m. Le niveau le plus bas se situe dans les quartiers Bosomba, Bombuanza et la partie de Soconzelo, où l’on observe des inondations fréquentes.
Surtout dans sa partie située au sud du fleuve Congo, le district de l’Équateur est dominé par des pluies abondantes et une constante humidité. Les précipitations varient entre 1800 et 2000 mm par an. Sur les 365 (ou 366) jours de l’année, 140 à 160 sont des journées pluvieuses. Les précipitations maximales se situent en avril et en octobre et les précipitations minimales en janvier et en juillet (Kama 1971). Van Der Straeten fait remarquer: «En règle générale, il pleut tous les mois de l’année, seuls deux ou trois mois sont relativement secs, tandis que les degrés hydrométriques sont relativement élevés et les brouillards nocturnes et matinaux sont fréquents » (Van Der Straeten 1945 : 16). Le ministère de l’Agriculture et du Développement rural fait le même constat: « la lame d’eau annuelle est de l’ordre de 1600 et 1700 mm. Le régime pluviométrique annuel accuse une double périodicité. Le mois d’août, le plus pluvieux, enregistre plus de 200 mm d’eau. Le maximum secondaire se situe en mai, tandis que le minimum secondaire apparaît en juin. Les valeurs supérieures à 2000 mm sont enregistrées à Befori » (Département de l’Agriculture et du Développement rural 1983 ).
Tableau climatique de la ville de Mbandaka
La région ne connaît pas de réelle saison sèche au vrai sens du mot. Il pleut presque toute l’année, mais la pluviosité se distingue cependant par deux périodes: celle de la baisse des eaux due à la diminution des précipitations et celle de la montée des eaux due à l’augmentation des précipitations. Ces deux périodes s’alternent et chacune d’elle porte des appellations spécifiques dans la région, les activités agricoles s’exerçant par rapport à la période concernée. Les périodes à forte pluviosité sont: « Ikuulu et Bongoy » pour les Mbole et «Eula ou Ehela » chez les Mongo de la haute Tshuapa ; les périodes à faible pluviosité sont appelées «Nganda et Tuli ».
Nganda : c’est la période dite de la saison sèche. Les eaux sont très basses en janvier, février et mars. Durant cette période les pluies sont moins abondantes. La pêche est l’activité principale de cette saison. C’est aussi le meilleur moment pour le défrichement des champs.
Bongoy : nganda se termine par les premières pluies de bongoy. Lorsqu’on parle de bongoy, on sous-entend la montée des eaux occasionnée par une forte pluviosité. La durée de cette saison, comme l’a fait remarquer Gustaaf Hulstaert, est de trois mois, c’est-à-dire qu’elle va des mois de mars-avril aux mois de mai et juin. Cette durée varie d’une année à l’autre (Hulstaert 1957).
Tuli : c’est la période de la petite saison sèche où les eaux sont très basses. Cette période va du mois de juin au mois d’août. Tuli est accompagnée de beaucoup de nuages. Elle apporte beaucoup de vents et une fraîcheur relativement grande (Hulstaert 1957). Les précipitations sont faibles. La pêche reste l’activité principale ainsi que les défrichements des champs.
Ikuulu: cette période se situe juste après la tuli. Elle est accompagnée de précipitations abondantes. Elle commence à partir du mois de septembre pour prendre fin au mois de décembre. Durant cette période les hautes eaux inondent les rivières. Cette période est celle des semis et l’activité est orientée surtout vers la cueillette des chenilles, des champignons et des fruits sauvages.
Chez les Mpama de Lukolela, les mêmes saisons sont identifiées comme suit :
– Muko : période des pluies, entre septembre et novembre.
– Ekongo ekiki: période de la petite saison sèche, de décembre à février.
– Mwanga ou Ekongo enene : période des petites pluies, de mars à avril.
– Ndjobolo : période des grandes pluies, au mois de mai.
– Ulengu; période du début de la saison sèche, de juin à la mi-juillet.
– Eso : période de la grande saison sèche, de mi-juillet à la fin août.
3. Hydrographie
L’Équateur est traversé par le fleuve Congo, qui constitue son artère vitale du point de vue des transports. Son réseau hydrographique compte quatre grands bassins:
– le bassin de la Lulonga1 [Lolongo est son nom d’origine]. Il est constitué principalement en amont par la rivière Maringa2 , appelée Luo dans le territoire de Djolu. C’est de la jonction des rivières Maringa et Lopori au port de Basankusu que naît la rivière Lulonga ;
– le bassin d’Ikelemba : il n’a pas de grands affluents; – le bassin de la Ruki. Il est constitué principalement, en amont, par les rivières:
a) Tshuapa (une déformation du mot jwafa ou lwafa en parler local, qui veut dire « rivière »), qui reçoit les eaux des rivières Loambia, Omboko, Luka, Lua, Luando, Lotai, Lua, Luando, Loile ea Kungu, Loile, Lokina, Lofome, Tumbenga, Loka, Mokombe, Lukendu, Laafa, Bota, Bokambi, Ntela, Booku, Loombo, etc. ;
b) Lomela (qui reçoit les eaux des rivières Luai, Luki, Wini, Bomute, Banaasa, Milenge, Besomia, Ilongo la Lokoo, Imeku, Bolua, Lifaki I et II, Oku, Luai, Nte, Djera, Bakea, Bobe, etc.) et Salonga (qui reçoit les eaux des rivières Luai, Lokali, Bofaïso, Bosomo, Beale, Djeile, Longo, Longe, Luendu, etc.), qui se jettent toutes deux dans la Busira (appellation d’origine : Bonsela). Busira est le nom que prend la rivière Tshuapa lorsqu’elle reçoit les eaux de la rivière Lomela. Celle-ci et la Momboyo (alimentée par les rivières Luile et Loilaka) viennent se jeter dans la Ruki, cette grande eau noire. Le nom «Ruki» est une déformation de Mai ma Boloki («Eau des Boloki»), groupe riverain qui occupait l’embouchure au moment de la pénétration européenne. H.M. Stanley, le premier Blanc à être entré en contact avec eux, avait noté Muhindu et Uluki, mais les autres Blancs ont consacré la graphie Ruki;
– le bassin de l’Ubangi: il s’agit d’une longue rivière née de la jonction à Yakoma des rivières Uele et Mbomu. Mais l’Ubangi est en réalité constitué de plusieurs bassins:
a) celui de l’Ubangi septentrional, à l’extrême nord, avec comme principales rivières la Bembe, la Songo, la Liki et la Yengi dans la partie occidentale, la Mondjo et la Lumba dans la partie orientale ;
b) celui des deux Lua et des affluents de l’Ubangi, au centre nord principalement alimenté par la Lua-Dekere, la Lua-Vindu et leurs affluents;
c) celui de la Ngiri (de son nom Loyi) qui se situe au sud. Du côté du Congo/ Brazzaville et de la RCA, se trouvent les rivières Lobai, Sanga-Likouala, etc.
La région située à l’ouest du méridien 20° 30’ est uniquement drainée par des rivières tributaires du fleuve Congo et de l’Ubangi. Les collecteurs présentent une disposition en éventail centrée sur le plateau de Lombo.
Les grands exutoires sont: le fleuve Congo, l’Ubangi, la Ngiri, la Lulonga, l’Ikelemba et la Ruki, auxquels s’ajoute, pour l’hydrographie, le lac Ntomba.
Toutes les rivières appartiennent au bassin du fleuve Congo. Les principales sont:
– rive droite : l’Ubangi, le seul grand affluent avec la Ngiri qui est son affluent de gauche ;
– rive gauche :
– la rivière Lulonga avec ses affluents de droite, la Montoku et l’Itantandu et ses affluents de gauche, les rivières Lodjwa, Bosumba et Eluku,
– la rivière Ikelemba qui n’a de grands affluents ni à gauche ni à droite,
– la rivière Ruki avec pour affluents, la Busira et la Lolonga à droite et, à gauche, les rivières Lokolo, Lofua, Duile, Duali et Lolina.
D’une façon générale, le régime de ces rivières en leurs parties centre et nord est extrêmement irrégulier. Après les pluies, notamment après les gros orages, les débits diminuent assez rapidement. Par ailleurs, bon nombre de «marigots » tarissent plus ou moins vite pendant la saison sèche. Le lit vif luimême est alors à sec et il ne subsiste pas de débit important. Mais au sud du district, sur le domaine des formations mésozoïques, les collecteurs ont, même en saison sèche, un débit permanent très abondant, lié à la porosité et à la perméabilité des formations encaissantes qui en font de bonnes roches-réservoirs. Les zones déprimées sont souvent marécageuses; certains flats marécageux atteignent plusieurs centaines de mètres, voire plusieurs kilomètres, de largeur.
Ci-après, nous examinons la situation dans la ville de Mbandaka et dans les territoires.
3.1. Dansla ville de Mbandaka
Fleuve Congo dans la ville de Mbandaka
La ville de Mbandaka est bâtie au confluent de la Ruki et du fleuve Congo. Son sol est échancré par de nombreux marais, marécages et ruisseaux dont l’épaisseur est souvent tributaire des eaux de pluie.
D’après Gustaaf Hulstaert, les noms des marais et des ruisseaux de Mbandaka sont: Bonkele, un grand ruisseau qui part de l’amont de Wangata ; Isambe, dont la source se situe dans le marais Balongo b’anto, un grand marécage entre Ifeko et Wangata ; Isondage, un autre marécage entre Ifeko et Wangata w’ibonga ; Botemaofankele, nom que portent divers ruisseaux débordant au moment des crues provoquées par les eaux de pluie diluvienne.
3.2. Dans le territoire de Basankusu
Port de Basankusu (par John Sidle).
L’hydrographie du territoire de Basankusu est constituée par les principaux affluents de gauche et de droite de la rivière Lulonga dont les eaux proviennent de plusieurs sources. Le centre de Basankusu est situé au confluent de la Maringa et de la Lopori qui, en se réunissant, forment la rivière Lulonga. Les principaux cours d’eau qui baignent le territoire de Basankusu sont les suivants :
– l’Ikelemba, qui coule d’est en ouest le long de la limite sud du territoire, en traversant le territoire de Bolomba pour se jeter dans le fleuve Congo à plus ou moins 5 km de Mbandaka ;
– la Lopori, qui coule du nord vers l’ouest, forme un confluent avec la Maringa qui, elle, coule du sud vers l’est;
– la Lulonga, qui coule depuis le confluent de la Maringa et de la Lopori pour se jeter à Lolanga, localité située à plus de 70 km en amont de Mbandaka ;
– les autres petites rivières qui alimentent l’affluent Lulonga sont: l’Iyokokala, la Bosomba, la Lokooto, la Bontoku, la Bontongo, la Banyete, la Nsoolo, la Lodjwa, la Bonoko, etc.
3.3. Dans le territoire de Bolomba
Le territoire de Bolomba bénéficie d’un réseau hydrographique riche, alimenté par les rivières Lulonga, Ikelemba et Ruki (partie de Busira).
L’Ikelemba, qui se jette dans le fleuve Congo à moins de 5 km de Mbandaka, constitue la voie la plus rapide pour relier Mbandaka à Bolomba. Trois cours d’eau de moindre importance pénètrent l’intérieur du territoire : Boboku, Batoo et Bosomba. La grande étendue marécageuse de Mosondo abrite de petits ruisseaux.
3.4. Dans le territoire de Bomongo
Coucher de soleil sur la rivière Ubangi à Bomongo
Plusieurs cours d’eau traversent le territoire de Bomongo : le fleuve Congo à l’est, l’Ubangi à l’ouest et surtout la Ngiri (Loy, de son nom d’origine), à qui sa position centrale confère le statut d’artère principale. Ces trois grands cours d’eau sont traversés par des chenaux reliant différentes rivières :
– le chenal de Libembe, reliant l’Ubangi à la Ngiri;
– le chenal de Lobengo, reliant la Ngiri au fleuve Congo;
– les chenaux de Boboke, d’Ebeka, de Mpee, de Bondjo, de Vala, de Bomongo, de Bolebo, reliant la Ngiri et l’intérieur des terres fermes ou marécageuses du territoire de Bomongo. Pendant la saison sèche, ces chenaux ne sont pas utilisables par les piroguiers.
Il est à noter que la rivière Mpoka subit l’influence positive du fleuve Congo, de l’Ubangi et de la Ngiri, comme en témoigne la présence des nombreux poissons dans cette rivière.
3.5. Dans le territoire de Bikoro
L’hydrographie du territoire de Bikoro est dominée par le lac Ntomba (765 km² de superficie), dans sa partie ouest. À la sortie du lac, en direction du territoire de Lukolela (Irebu), se trouvent d’importants cours d’eau qui, le plus souvent, transforment la région en d’immenses marécages (Lolo, Lolambo, Bituka, Boloko) et le (petit) lac Mpaku, relié à la rivière Ruki.
3.6. Dans le territoire d’Ingende
L’hydrographie du territoire d’Igende est dominée par la présence de la rivière Ruki, qui se jette dans le fleuve Congo, presque en amont de la « résidence des gouverneurs » à Mbandaka. La Ruki est alimentée par deux rivières principales, la Momboyo et la Busira. Ingende, chef-lieu du territoire, est bâtie au confluent de la Momboyo et de la Busira.
3.7. Dans le territoire de Lukolela
fleuve Congo à Lukolela
Une vue aérienne du territoire de Lukolela montre un ensemble d’îlots boisés séparés par de nombreuses rivières convergeant toutes vers le fleuve Congo. Ce dernier constitue la grande voie d’eau pour la circulation des personnes et des biens dans le territoire de Lukolela dont le centre est justement situé au bord du fleuve. Dans la partie ouest du territoire, depuis le secteur Losakani jusqu’à la limite avec le territoire de Yumbi (district des Plateaux), le fleuve totalise près de 217 km de rive. S’y trouvent aussi quelques rivières telles que la Ntsangasi chez les Banunu, seule rivière dont les sources sont multiples. Elle est riche en poissons et reptiles aquatiques.
Les ruisseaux les plus importants qui alimentent la Ntsangasi sont :
– l’Etuku, qui provient du fond de la forêt de Nkondi, passe l’étang de Simba et sort par Mpimo, en amont de Lokolo-Mpika ;
– le Mbonga, qui traverse toute la forêt marécageuse de Pokolo à Bosengeli;
– le Lobilo, dont la source se trouve perdue dans la forêt équatoriale. Il baigne les alentours de Mpoka du secteur Mpama et se déverse dans la Ntsangasi en amont de Nkolo-Lingamba. D’autres rivières importantes du territoire de Lukolela sont:
– la Yembe (Mobila) chez les Lusankany ;
– la Manga (Moliba), constituant la limite entre les secteurs Mpama et Lusankany ;
– les rivières Maberu (Moliba), Ndonga, Luba, Etuka, Molambi, chez les Mpama.
3.8. Dans le territoire de Mankanza
Le territoire de Mankanza se situe sur la rive droite du fleuve Congo. C’est le domaine de la pêche pour les peuples bangala riverains du territoire de Mankanza appelés «Gens d’eau».
Au nord, le territoire de Mankanza est borné par la rivière Ngiri. Les différents lieux du territoire ne sont pas coupés les uns des autres, car dans la grande forêt entre le Congo et la Ngiri, des ruisseaux relient les villages entre eux, tout comme plusieurs chenaux relient la Ngiri au fleuve Congo. Citons quelquesuns des chenaux reliant le fleuve Congo à la Ngiri:
– le chenal des Mbondji: situé en amont de Bomana sur la Ngiri, il relie la Ngiri au fleuve Congo. Chez les Mbondji, ce chenal est connu sous le nom de «Moluka mua Ndobo », car il rejoint le fleuve Congo à Ndobo. Ensablé, il n’est plus utilisé aujourd’hui;
– le chenal de Bosilela : il traverse les Mabale et aboutit au fleuve Congo à Boboka «Moluka mwa Mabale » ;
– les chenaux de Bokwala et de Mabale : un peu au nord de Bosesela, ils aboutissent au fleuve, en aval de Mankanza (les deux chenaux se croisent et aboutissent tous deux à Boboka) ;
– les chenaux de Bodjenga et de Mbenga, en amont du territoire de Mankanza (Moluka mwa Bonkula). On peut partir de plusieurs points sur la Ngiri: Mpongo, Monia, etc., on aboutit au même endroit.
D’autres chenaux relient la Ngiri à la Moeko et à la Mongala :
– le chenal de Ndobo, dans le territoire de Budjala ;
– le chenal de Lobengo : il relie Ekondo sur la rivière Ngiri à Lobengo sur le fleuve Congo en face de Lobaka. Il est employé par les habitants de la moyenne Ngiri;
le chenal de Bondoko qui aboutit à Losengo. Il est emprunté par les habitants de la Haute-Ngiri;
– le chenal de Ngoy : un peu en aval de Bonginda. On peut partir de plusieurs points sur la Ngiri: Mobusi, Mpongo, Monia, etc. Il n’est plus praticable aujourd’hui.
Ces chenaux jouent un rôle important dans le transport local. Ils permettent aux populations de la haute et de la moyenne Ngiri de ne plus devoir descendre la Ngiri jusqu’à la crête de partage des eaux Ubangi-Congo, puis de remonter le fleuve.
4. Sols
La région est caractérisée par la présence de grandes termitières fossiles de plusieurs mètres de hauteur et de diamètre, plus abondantes et plus grandes dans les zones basses. Le district de l’Équateur appartiendrait au domaine tropical humide, d’après Franz Bultot (Bultot 1971). Situé à cheval sur l’équateur, il connaît un climat équatorial caractérisé par la chaleur et l’humidité. La température moyenne est de 27 °C. Il existe deux saisons principales: celle des eaux hautes (août-décembre) et celle des eaux basses (janvier-avril). Entre les deux, il y a une alternance de la petite saison des eaux hautes (mai-mi-juin) et de la petite saison des eaux basses (mi-juin-juillet). C’est au rythme de ces saisons que les habitants exercent leurs activités productives: la pêche, la chasse et l’agriculture.
La province de l’Équateur se caractérise par des sols tropicaux récents dans la partie la plus déprimée de la Cuvette centrale et le long de la vallée du fleuve Congo et ses affluents.
4.1. Ville de Mbandaka
Une vue de la ville de Mbandaka dans la province de l'Équateur
La ville de Mbandaka est bâtie sur un sol sabloargileux. La population, qui pratique une agriculture itinérante, fait le labour ou utilise les jachères (Bongonde, Djombo, Inganda, Iyonda, Bolenge, Wedji-Secli, Ikengo, etc.). Depuis peu, Mbandaka est ravitaillée en produits agricoles grâce aux différents îlots environnant la ville (Maïta, Nkasa, Mangasese…). Ces îlots, y compris la terre ferme de la rive droite du fleuve (Ngunda Lokombe et Bakanga), fournissent à la ville de la canne à sucre, du manioc, des feuilles de manioc (mpondu, etc.) grâce aux limons déposés par les eaux du fleuve pendant les périodes de crues.
4.2. Territoire de Basankusu
Le sol du territoire de Basankusu contient du sable limo-argileux. Il est favorable à la production alimentaire et à la création de grandes plantations de palmiers à huile.
4.3. Territoire de Bolomba
Le sol du territoire de Bolomba est celui rencontré partout dans la Cuvette centrale. Le profil est toujours humide et le sol est protégé par un dense couvert végétal et un épais manteau de matière organique. Il a une faible teneur en humus et est pauvre en bases et en éléments fertiles. Le couvert reste stratifié. Cette pauvreté du sol oblige la population à user de la jachère et de la pratique des plates-bandes afin de rentabiliser les cultures.
4.4. Territoire de Bomongo
Le sol du territoire de Bomongo est, dans son ensemble, marécageux, sauf dans la partie ouest de la bordure de la rivière, où l’on trouve des terres fermes. Pour rendre le sol fertile, la population utilise la jachère et l’agriculture itinérante. Dans les îlots de la Ngiri, la fertilisation du sol est rendue possible grâce aux limons qu’apportent les eaux de la Ngiri pendant la période des crues.
4.5. Territoire d’Ingende
Le sol du territoire est humide et sablo-argileux. C’est un sol favorable à la fructification du palmier élaeis. C’est ce qui justifie la présence d’une grande plantation de palmiers élaeis à Boteka. Cette plantation est la propriété de la PLC (Plantation Lever au Congo).
4.6. Territoire de Bikoro
Le sol du territoire de Bikoro est de type sablo-argileux. Il est propice à l’agriculture sur brûlis dans les secteurs des Ekonda et des Elanga. Il est parfois marécageux dans le secteur Lac.
4.7. Territoire de Lukolela
Les terrains du territoire de Lukolela situés le long du fleuve Congo sont constitués de terres d’alluvion argileuses parsemées, ici et là, de blocs de limonite sans formation de tufs imperméables. Mais le sous-sol composé d’argile blanche plastique devient imperméable.
Quoique perméable, la première couche du sol est excessivement compacte et, en conséquence, se fendille pendant la saison sèche. Mais pendant la saison des pluies, l’eau s’accumule sur la couche perméable. Le sol du territoire de Lukolela est entouré de marécages dans le secteur Losakani et de peu de terres fermes dans le secteur Mpama. L’humidité du sol favorise la poussée de la culture des cacaoyers. Dans les îlots du fleuve Congo, le sol est inondé pendant les périodes de crues, favorisant le développement des cultures telles que la canne à sucre, le manioc, la patate douce, etc. La fertilisation du sol est favorisée par les limons déposés par les eaux du fleuve.
4.8. Territoire de Mankanza
Le sol du territoire de Mankanza est marécageux, dans son ensemble, toutefois il existe un peu de terre ferme où les habitants font leurs champs. Mais les grandes étendues de la région sont couvertes de terrains humides ou inondés :
– les sols récents occupent de faibles superficies et apparaissent mal sur la carte. Ce sont, en général, les plus fertiles, par une occupation végétale et un épais manteau de matière organique ;
– les sols hydromorphes, qu’on trouve le long des rives du fleuve.
Références
Bultot, F. 1971. Atlas climatique du bassin congolais. Bruxelles:
ARSOM. Département de l’Agriculture et du Développement rural. 1983 (février). Région de l’Équateur. Étude régionale pour la planification agricole. Kinshasa : Service d’études et planification.
Hulstaert, G. 1957. Dictionnaire lomongo. Tervuren: MRAC.
Kama, F. 1971. Géographie 3e secondaire. Paris: Hatier.
Van Der Straeten, E. 1945. L’Agriculture et les industries agricoles au Congo belge. Bruxelles: L. Cuypers.
Vinck, H. 1990. Mbandaka hier et aujourd’hui. Éléments d’historiographie locale. Collection «Études Æquatoria », vol. 10. Bamania : Centre Æquatoria ».
CHAPITRE 2 : Géologie
Par Damien Delvaux de Fenffe (MRAC), Vital Cilolo Mukonkole et Maurice Luamba Mabiala (CRGM)
La province de l’Équateur correspond à la partie centrale du bassin du Congo, aussi appelé Cuvette centrale. La géologie de surface, à l’affleurement, est constituée de roches relativement jeunes (Crétacé récent), ne représentant que la partie superficielle d’une séquence sédimentaire qui peut atteindre jusqu’à 14 km d’épaisseur.
1. Géologie de surface
La géologie de surface du district de l’Équateur a été identifiée grâce aux travaux de reconnaissance effectués sur le terrain par les géologues dont A. Lohest, Sekirsky, J. Benoît et A. Lombard et synthétisés par L. Cahen en 1954 et par A. Lepersonne en 1977 dans la carte géologique du Congo au 1/2 000 000.
La succession des couches de surface dans le district de l’Équateur se présente, de la base au sommet, de la manière ci-après: le Crétacé supérieur, une croûte ferrugineuse latéritique, des alluvions anciennes du Pléistocène-Pliocène (PP), et des alluvions récentes de l’Holocène (Ho).
Le Crétacé supérieur affleure sur une petite portion du district. Il correspond à la fin du remplissage sédimentaire de la Cuvette centrale et de grès tendres, déposés dans un milieu tropical humide avec de vastes marécages, lacs peu profonds et rivières.
Au cours du Tertiaire, la Cuvette passe à un stade d’érosion, suite à une surélévation générale du continent africain depuis la fin du Crétacé, bien que la partie centrale du bassin du Congo reste déprimée par rapport à sa périphérie, acquérant ainsi sa forme en cuvette.
Une importante surface de planation se développa probablement pendant le Miocène moyen avec la précipitation d’une cuirasse latéritique ferrugineuse épaisse de plusieurs mètres, formant des falaises de 10 à 20 mètres de haut, le long des rives du fleuve Congo jusque Mankanza (ex-Nouvelle Anvers), ainsi que du lac Ntomba et de la Busira. Elle correspond à l’une des périodes mal datées de latérisation connues dans l’ensemble de l’Afrique centrale et de l’Est. Plus en amont du fleuve, au niveau de Yangambi, De Heizemin (1957) montre que les terrasses du fleuve sont composées d’une succession de lentilles et bancs alluvionnaires de gravier de quartz, sable grossier ou graveleux, et niveaux de matériel graveleux limonitique ; de dépôts pisolitiques indurés, liés à au moins deux périodes de planation.
Le Pléistocène-Pliocène (PP) est constitué d’alluvions anciennes présentes en terrasse le long du fleuve, composées de gravier de quartz, sable grossier ou graveleux, des grès limonitiques et des blocs épars de roches silicifiées du type « grès polymorphes ». Ces dernières sont des résidus de roches plus anciennes d’âge Paléogène, qui formaient initialement une croûte silicifiée recouvrant les sédiments du Crétacé.
Les alluvions récentes présentes dans les zones basses et inondables le long du fleuve et ses affluents sont d’âge Holocène (Ho). Elles correspondent à des terrasses fluviatiles avec graviers, sables et résidus latéritiques ainsi que des boues argileuses. On y trouve aussi des sables blancs bien classés formés de quartz pur dans les terrasses alluviales et les plages du lac Ntomba.
Les ressources accessibles en surface sont limitées à de la tourbe, du lignite et des argiles kaolineuses:
– à Basankusu, un gisement de tourbe fut signalé par A. Lombard dans les années 1960. Cette tourbe est sableuse gris noir, légère et non fibreuse;
- un gisement de lignite fut découvert à Ikelemba, dans des alluvions, fin 1931 par Benoît Bolomba, à l’embouchure de la petite rivière Kamu, entre les villages Bosandju et Boso-Ekombo;
– à Mbandaka, on rencontre les argiles kaolineuses lie-de-vin prélevées au contact immédiat du substratum; cette argile de bonne qualité sert à la fabrication des briques cuites. Elle se retrouve également au niveau du lac Ntomba.
2. La Cuvette centrale
Le bassin du Congo est une grande dépression au centre du continent africain, d’une superficie d’environ 800000 km². Il couvre une grande partie de la République démocratique du Congo, depuis Kinshasa jusqu’à Kisangani, englobant l’Équateur, une partie des deux Kasaï et le Maniema. Les termes de «bassin du Congo» et de «Cuvette centrale » sont apparus presque simultanément (Cornet 1894). Dès 1885, A. Wauters (in Cornet 1894) reconnaît que le fleuve Congo et ses affluents forment un bassin hydrologique en forme de cuvette. Cette approche géographique est confirmée par E. Dupont en 1889 (Dupont 1889) qui, le premier, en retient la signification géologique. Ce dernier définit le bassin du Congo comme une entité géologique comprenant toutes les formations sédimentaires non métamorphiques qui recouvrent un socle cristallin et le différencie du bassin hydrologique. Il en identifia rapidement les potentialités en matière de ressources en hydrocarbures (Cornet 1911). Le terme de «bassin du Congo» devint internationalement reconnu grâce au mémoire de A.C. Veatch (1935). Par la suite, les deux termes furent utilisés avec des significations variables par différents auteurs intéressés à la question, dont les principaux sont L. Cahen (1954), Évrard (1957), J. Lepersonne (1977), J. Chorowicz et al. (1990), M.C. Daly et al. (1992), Kadima et al. (2011).
L’exploration de ce bassin en général, et en particulier dans le district de l’Équateur, est rendue difficile par la présence de la forêt équatoriale et les difficultés d’accès. Alors que les principales caractéristiques de la géologie de surface et la présence de roches-mères de pétrole pouvant générer du pétrole et du gaz ont été rapidement reconnues (Cornet 1911 ; Passau 1923), la structure profonde de la Cuvette centrale reste encore imparfaitement mesurée. Les géologues débattent toujours sur les potentialités en hydrocarbures de ce bassin. Certains y voyant la présence de réserves importantes, mais jusqu’à présent aucun sondage n’a révélé de ressources et aucun indice de surface n’a pu être confirmé (Delvaux & Fernandez 2015). Les enjeux et défis liés à l’exploration pétrolière de la Cuvette centrale ainsi que des autres bassins de la RDC sont analysés par F. Misser (2013).
La première campagne d’exploration a été menée entre 1952 et 1956 par le Syndicat pour l’étude géologique et minière de la cuvette congolaise (REMINA), avec des recherches géologiques de surface systématiques, des mesures gravimétriques et magnétiques, des profils sismiques de réflexion (131 km) et de réfraction (600 km) et deux forages stratigraphiques (Samba et Dekese) entièrement carottés respectivement jusqu’à 2038 et 1856 mètres de profondeur (Évrard 1957). Les résultats ont montré que le bassin de la Cuvette centrale est plus profond qu’estimé initialement. Ils ont également permis de déterminer la succession des couches sédimentaires sur les 2000 premiers mètres du bassin. Une seconde campagne a été menée par le consortium Esso-Texaco. Elle a repris les explorations en menant l’acquisition de 2900 km de nouveaux profils sismiques, réflexion couvrant l’ensemble du bassin et forant deux sondages d’exploration (Mbandaka et Gilson), respectivement jusqu’à 4350 et 4536 m de profondeur, sans rencontrer le socle. Les profils sismiques calibrés avec les forages ont permis d’obtenir une meilleure idée de la structure du bassin, qui présente une profondeur moyenne de 4 à 5 km, avec des fossés allant de 10 à 14 km de profondeur. Une dernière campagne d’exploration a été menée en 1984 par la Japan National Oil Corporation (JNOC) dans la région de Kisangani, le long du cours supérieur du fleuve Congo (encore appelé Lualaba).
Malgré ces efforts, aucun indice sérieux d’hydrocarbure n’a pu être trouvé ni en profondeur, dans les sondages, ni en surface, à l’affleurement. Plus récemment, OilSearch/Pioneer en 2007 et HRT Petroleum en 2008, en collaboration avec la COHYDRO (Congolaise des Hydrocarbures), ont effectué des travaux faisant la synthèse des données existantes pour en définir des objectifs d’exploration à développer. Plusieurs venues d’hydrocarbures en surface ont été rapportées et interprétées par certains comme indiquant la présence de réserves de pétrole dans le sous-sol, mais une contre-expertise menée par Central Oil & Gas pour la COMICO a montré que ces indices sont d’origine anthropique, correspondant à diverses pollutions en hydrocarbures (diesel et bitume de calfeutrage des bateaux)
Références
Cahen, L. 1954. Géologie du Congo belge. Liège : Vaillant-Caramanne, 577 p.
Chorowicz, J., Le Fournier, J. & Makazu, M.M. 1990. «La Cuvette centrale du Zaïre : un bassin initié au Protérozoïque supérieur. Contribution de l’analyse du réseau hydrographique ». C. R. Acad. Sci. Paris 311(II) : 349-356.
Cornet, J. 1894. «Les formations post-primaires du bassin du Congo». Annales de la Société géologique de Belgique 21 (1893-1894) : 251-258.
Cornet, J. 1911. « Sur la possibilité de l’existence de gisements de pétrole au Congo». Annales de la Société géologique de Belgique. Publ. rel. Congo belge, 38 (1910-1911) : 9-15.
Daly, M.C., Lawrence, S.R., Diemu-Thiband, K. & Matouana, B. 1992. «Tectonic evolution of the Cuvette Centrale, Zaire ». J. Geol. Soc. Lond. 149 : 539-546.
De Heizemin, J. 1957. «Les formations sédimentaires de l’Aruwimi et la Série de Yangambi ». Bulletin de la Société belge de géologie 66 (1) : 98-104.
Delvaux, D. & Fernandez, M. 2015. «Petroleum potential of the Congo Basin». In de Wit, M., Guillochau, F. & de Wit, M.C.J. (éd.), The Geology and Resource Potential of the Congo Basin. Heidelberg : Springer (Series «Regional Geology Reviews », chap. 18, pp. 371-391).
Dupont, E. 1889. «Lettres sur le Congo. Récit d’un voyage scientifique entre l’embouchure du Fleuve et le confluent du Kasaï ». Paris: C. Reinwald (éd.), 724 p. Summary Report Bulletin de la Société belge de géologie 3 (1889) : 398-403.
Évrard, P. 1957. Les recherches géophysiques et géologiques et les travaux de sondage dans la Cuvette congolaise. Bruxelles: Académie royale des Sciences coloniales («Mémoires de la classe des sciences techniques », [N.S.] VII [1]).
Kadima, E., Delvaux, D., Sebagenzi, S.N., Tack, L. & Kabeya, M. 2011. « Structure and geological history of the Congo Basin: An integrated interpretation of gravity, magnetic and reflection seismic data ». Basin Research 23(5): 499-527.
Lepersonne, J. 1977. « Structure géologique du bassin intérieur du Zaïre ». Bulletin de l’Académie royale de Belgique, Cl. Sci., 5e série, 63 (12) : 941-965.
Misser, F. 2013. «Enjeux et défis d’une province pétrolière en devenir ». In Marysse, S. & Omasonbo, J. (éd.), Conjonctures congolaises 2012. Politique, secteur minier et gestion des ressources naturelles en RD Congo. Tervuren-Paris: Musée royal de l’Afrique centrale-L’Harmattan (coll. «Cahiers africains » 82), pp. 147-177. ISBN: 978-2-343-00465-5.
Passau, G. 1923. «La géologie du bassin des schistes bitumineux de Stanleyville (Congo belge) ». Annales de la Société géologique de Belgique, Publ. rel. Congo belge 19 (1921-1922), C91-243.
Veatch, A.C. 1935. «Evolution of the Congo Basin». Geological. Society of America. Mem. 3, 184 p.
Chapitre 3 : Végétation
par Joëlle De Weerdt, Benjamin Toirambe, Astrid Verhegghen, Pierre Defourny, Hans Beeckman
Situé au cœur même de la Cuvette centrale, l’Équateur est couvert par près de 45% de forêts denses humides (44,88%, Tableau 3.1) comprenant les forêts ombrophiles sempervirentes, les forêts semi-caducifoliées et les forêts secondaires. Il est dominé par un réseau hydrographique dense entouré de forêts sur sols hydromorphes (47,15%), qui elles-mêmes sont entourées d’une manière régulière par des complexes agricoles. Les savanes (herbeuses et arbustives) sont présentes à l’extrême sud-ouest de la province, principalement à Lukolela et à Bikoro. La végétation marécageuse, quant à elle, se trouve de part et d’autre du fleuve Congo, à Bomongo et également au niveau du lac Ntomba.
Ces différents types de végétation s’expliquent par la variabilité climatique rencontrée dans le district caractérisée par des précipitations annuelles allant de 1 600 mm à 1 850 mm.
Il s’agit d’un climat de type équatorial où la saison sèche est quasi inexistante, hormis une légère diminution des pluies en janvier et février. Ceci s’observe partout en Équateur, sauf dans une zone au sud du lac Ntomba, au niveau de Lukolela (voir graphique ombrothermique du sud-ouest à Bikoro, page 40) où l’on observe une courte saison sèche d’une durée de deux mois (juin-juillet). La transition vers cette courte période, caractérisée par une diminution de précipitations, s’observe clairement sur les graphiques ombrothermiques du nord-ouest et du sud-ouest du district. La température moyenne annuelle oscille autour de 25 °C.
Tableau 3.1. Répartition des principaux types de végétation dans le district de l’Équateur et au niveau national
Sources: Vancutsem 2009, Verhegghen et al. 2010.
1. Forêt dense humide
De manière générale, les forêts denses humides sont caractérisées par un peuplement continu d’arbres dont la hauteur varie entre 10 et 50 m. Par conséquent, les cimes s’étagent généralement en plusieurs strates. La densité de la canopée empêche le développement important d’une strate arbustive et herbacée et favorise davantage les épiphytes, plantes qui poussent en prenant appui sur d’autres plantes (ex. : orchidées, fougères, etc.). Peu de graminées y poussent, mais plus souvent des sous-arbrisseaux ou plantes suffrutescentes) et quelques rares plantes herbacées à grandes feuilles.
En fonction des espèces ligneuses présentes, se distingue d’une part la forêt dense humide sempervirente, dont la majorité des arbres restent feuillés toute l’année et, d’autre part, la forêt dense humide semi-décidue (qui peut représenter jusqu’à 70% des forêts denses humides), dont une forte proportion d’arbres restent défeuillés une partie de l’année. La forêt semi-décidue est floristiquement plus riche que la forêt sempervirente et la densité de sa canopée permet le développement d’un sous-étage arbustif continu. Les forêts secondaires, définies comme la régénération d’une forêt après une intervention anthropique, font également partie de la forêt dense humide.
Les forêts denses humides sont présentes autour des forêts sur sols hydromorphes, lesquelles bordent le réseau hydrographique. Les forêts denses humides recouvrent 44,88% du district.
2. Forêts denses sur sols hydromorphes
De manière générale, les forêts sur sols hydromorphes sont situées le long du réseau hydrographique. Elles résultent de la présence de sols mal drainés et de fréquentes inondations. Plusieurs types de forêts peuvent être distingués en fonction de la qualité du milieu ou de la durée des inondations. Les forêts denses sur sols hydromorphes peuvent, dans les meilleures conditions, atteindre 45 m de hauteur. Leur strate supérieure, c’est-à-dire les arbres, est plus ouverte et plus régulière que celle des forêts sempervirentes de terre ferme. Ces formations possèdent une flore endémique diversifiée, quoi qu’assez pauvre d’une manière générale : Uapaca spp. Guibourtia demeusei, Hallea spp. et les palmiers du genre Raphia.
3. Savanes
De manière générale, la savane boisée est une formation végétale entre la savane herbeuse et la forêt claire. Le recouvrement des ligneux est compris entre 25 et 60%, semblable à la forêt claire, mais diffère de cette dernière par des arbres dont la hauteur est plus faible. La savane arborée se caractérise par une faible densité d’arbres (inférieure à 40%) et dont la taille est supérieure à 7 m; cette strate ligneuse surmonte une strate herbacée dynamique. La savane arbustive est composée d’un tapis dense de graminées sur lequel se développent des arbustes de hauteur inférieure à 7 m et de densité faible. La savane herbeuse, quant à elle, est composée uniquement d’un tapis dense de grandes herbes graminéennes.
Sur l’origine des savanes (herbeuse, arbustive, arborée ou boisée), trois scénarios sont possibles. Aucun n’est exclusif, ni exhaustif, mais ils peuvent servir de repère :
– origine naturelle : ces savanes (principalement graminéennes) se sont installées dans des milieux qui ne pouvaient pas accueillir une végétation forestière abondante, en raison de la pauvreté du sol ou de conditions climatiques limitantes;
– origine relictuelle : ces savanes seraient apparues durant une période plus sèche et se seraient maintenues grâce à l’action des feux. Le passage fréquent du feu empêche son évolution vers une savane arborée puis une savane boisée et à terme une forêt claire ;
– origine secondaire : ces savanes succèdent à des formations arborescentes. Cette secondarité, qui provient de la dégradation de la forêt, est principalement anthropique (agriculture, feu, etc.). Certaines de ces savanes secondaires sont très vieilles, ce qui est confirmé par le fait que les animaux se sont adaptés à cet environnement, notamment les grands herbivores (girafe, antilope, etc.).
La province de l’Équateur contient aussi des Esobe, terme local de la Cuvette centrale congolaise qui désigne la graminée Hyparrhenia diplandra. Ce terme indique par extension les plaines herbeuses généralement entourées par des formations forestières de terre ferme ou de marécages. L’Esobe sec est une formation aux herbes hautes et aux arbres très espacés et bas; l’Esobe humide est une formation herbeuse à proximité d’une source d’eau comme des mares, des endroits inondés, marécageux, etc.
L’Esobe de formation de prairie basse à Bulbostylis laniceps, Panicum parvifolium, Xyris sp. et Lycopodium carolinianum est la plus répandue. Un autre type d’Esobe est une formation buissonnante à Stipularia africana, Jardinea gabonensis, Dissotis sp., Syrtosperma senegalense et Clappertonia ficifolia.
4. Complexe agricole en zone forestière
Dans le district de l’Équateur, de manière générale, le complexe agricole en zone forestière est constitué d’un mélange de jachères forestières, de jardins de case, de cultures vivrières (manioc, maïs, arachides, bananes, etc.) et de plantations villageoises qui ont remplacé progressivement la forêt dense humide. Il correspond aux zones de forte activité anthropique.
Les complexes agricoles forment 6,52% de la superficie totale du district. Les complexes sont plus étendus à l’est du lac Ntomba et le long du réseau hydrographique, près de grands centres comme Mbandaka, Bolomba et Ingende. Une petite partie des complexes s’étend au nord-ouest de la province.
Liste non exhaustive des espèces endémiques de la République démocratique du Congo dont l’aire de répartition fait partie de l’Équateur :
Acacia lujae
Allanblackia kisonghi
Allanblackia marienii
Angylocalyx boutiqueanus
Annickia ambigua
Baphia incerta
Baphia marceliana
Begonia horticola
Beilschmiedia variabilis
Bersama abyssinica
Campylospermum engama
Chytranthus mortehanii
Cissus pynaertii
Cnestis corniculata
Cnestis sapinii
Biodiversité et endémismeLa biodiversité ainsi que le taux d’endémisme sont des considérations supplémentaires dans la gestion de la flore locale. L’endémisme indique qu’une région a une composition floristique unique et parfois même rare. Notons qu’une bonne gestion des complexes agricoles est impérative afin d’éviter leur expansion en vue de la préservation de différents types de végétation et de la biodiversité floristique qui caractérise le district. |
Références
Bailey, R.G. 1986. «The Zaire River system». In Davies & Walker (éd.), The Ecology of River Systems. Dordrecht, Boston & Lancaster: Junk Publishers, pp. 201-214.
Bonobo Food Items. 2009. «Food availability and bonobo distribution in the Lake Ntomba swampy forests, Democratic Republic of Congo». The Open Conservation Biology Journal (3) : 14-23.
Deuse, P. 1960. Étude écologique et phytosociologique de la végétation des Esobe de la région Est du lac Ntomba (Congo belge). Bruxelles: ARSOM («Mémoires de la classe des sciences naturelles et médicales », [N.S.], XI [3]).
Évrard, C. 1968. Recherches écologiques sur le peuplement forestier des sols hydromorphes de la Cuvette centrale congolaise.
Bruxelles: Office national de la recherche scientifique et du développement-Ministère belge de l’Éducation nationale et de la Culture (« Série scientifique », n° 110).
Inogwabini, Bila-Isia, Matungila, B., Mbende, L., Abokome, M. & Miezi, V. 2007. «Chapter 13 : The bonobos of the Lake Ntomba – Lake Maindombe hinterland: threats and conservation opportunities ». In Thompson, J. & Furuichi,
T. (éd.), The Bonobos: Behavior, Ecology, and Conservation. New York : Springer.
Inogwabini, Bila-Isia & Zanga Lingopa. 2006. Les inventaires des poissons dans le lac Ntomba, Congo et Ngiri: une étude comparative mettant en évidence une diminution du potentiel au lac Ntomba, République démocratique du Congo.
Rapport soumis au WWF US, Washington DC et USAID-CARPE, Kinshasa, République démocratique du Congo.
Chapitre 4 : Faune
par Mark Hanssens
Àpartir de différentes sources, une liste des espèces a été constituée pour les quatre groupes de vertébrés: poissons, amphibiens et reptiles, oiseaux, mammifères (voir les détails ci-dessous). Il est important de tenir compte du fait que ces listes sont basées sur nos connaissances actuelles, qu’elles reposent sur les collections et les observations de terrain réalisées à ce jour et sont, dès lors, incomplètes. Un bref aperçu de l’origine des collections au MRAC montre, en outre, que le nombre de stations zoologiques où des spécimens ont été collectés dans le district de l’Équateur (comme c’est le cas pour beaucoup d’autres régions du Congo, particulièrement dans les zones forestières, qui sont généralement moins accessibles) reste très limité. D’autre part, il faut également tenir compte du fait que ces collections sont «historiques » et qu’en conséquence, elles ne donnent pas nécessairement une image fidèle de la composition de la faune aujourd’hui. Les premières collections du MRAC datent de la fin du XIXe siècle. Il est donc possible que des espèces qui apparaissaient autrefois à un endroit déterminé n’y soient plus présentes actuellement. Les causes de la disparition d’espèces sont liées à la pression croissante des populations humaines. Cette influence de l’homme peut prendre différentes formes. Sous l’effet de la chasse ou de la perte de leur habitat (déboisement, assèchement des marais, etc.), des populations peuvent disparaître et des espèces peuvent même, dans des conditions extrêmes, s’éteindre totalement.
La diversité des animaux est généralement mieux surveillée et documentée dans les parcs nationaux et les réserves. La réserve naturelle Ntomba-Ledina fut créée par arrêté ministériel n° 053/Cab/Min/ECNEF/2006 du 7 décembre 2006. Sa superficie est de 75 000 ha.
1. Écologie et biogéographie
La plupart des animaux sont attachés à un habitat ou à un biotope spécifique. Parmi les animaux terrestres, l’on ne trouve certaines espèces que dans les forêts tropicales humides (comme l’okapi ou le paon du Congo), tandis que d’autres sont adaptées à la savane ou à la montagne. De même, parmi les animaux aquatiques, certaines espèces marquent clairement leur préférence pour un habitat bien déterminé. Il convient donc d’en tenir compte en examinant les listes d’espèces.
2. Diversité
2.1. Poissons
En ce qui concerne les poissons, les listes d’espèces sont entièrement basées sur une série de cartes de distribution portant sur l’ensemble des poissons d’eau douce du Congo (ces cartes de distribution ont été réalisées au sein du laboratoire d’ichtyologie du MRAC). Ces cartes ont été établies et mises à jour à partir des données de distribution de la FishBase (Froese & Pauly 2009) et de données tirées de la littérature. La plupart des espèces de la liste ont été recueillies à l’intérieur des frontières du district. Par ailleurs, un certain nombre d’espèces collectées en dehors du district ont également été ajoutées à la liste. Ces espèces sont soit largement répandues dans la région, soit ont été enregistrées non loin des frontières de l’Équateur, dans des affluents débouchant dans les fleuves à l’intérieur du district. La présence de ces espèces à l’intérieur de l’Équateur même est par conséquent hautement probable.
Le lac Ntomba se trouve à l’intérieur du district de l’Équateur. Diverses études sur la faune des poissons du lac Ntomba et ses environs ont été faites par des chercheurs du MRAC (Poll 1942) ou de l’IRSAC6 (Marlier 1958 ; Matthes 1964).
En ce qui concerne les poissons, la faune est dominée, au Congo – et donc aussi dans le district de l’Équateur –, par une série d’ordres ou de familles. L’ordre des Characiformes est l’un des plus riches en termes d’espèces dans le bassin du Congo et est dominé par les familles des Alestiidae et des Distichodontidae. Le genre Hydrocynus (poisson-tigre) fait partie de la famille des Alestiidae. Le poissontigre est le plus grand poisson prédateur du bassin du Congo. Il se caractérise par un corps fuselé et par une large bouche faite de dents acérées et fortement développées.
La famille des Cyprinidés ou carpes (dans l’ordre des Cypriniformes) comprend plusieurs genres. Deux d’entre eux comportent de nombreuses espèces: le genre Barbus qui regroupe principalement les petits barbeaux, et le genre Labeo dans lequel figure une série d’espèces de plus grande taille. Bien que ces deux genres regroupent de très nombreuses espèces, celles-ci sont souvent fort semblables et donc difficiles à identifier.
La famille des Mormyridés ou poissons-éléphants (dans l’ordre des Ostéoglossiformes) comprend une série d’espèces caractérisées, entre autres, par la présence d’un organe électrique. Cet organe se trouve à la base de la queue et peut émettre des impulsions électriques. La tête de ces poissons est dotée de récepteurs avec lesquels ils peuvent capter ces impulsions électriques. Celles-ci leur permettent de s’orienter et de détecter leur proie (ce système est donc comparable au système d’écholocalisation des chauves-souris) et servent aussi à la communication entre individus de la même espèce. La forme des impulsions est différente pour chaque espèce, si bien que ces animaux sont capables de faire la distinction entre des impulsions émises par des membres de leur espèce (partenaires potentiels) et des individus appartenant à une autre espèce.
L’ordre des Siluriformes (poissons-chats) comprend différentes familles qui présentent une grande variété sur les plans morphologique et écologique. Les poissons-chats se caractérisent, entre autres, par l’absence d’écailles sur le corps et la présence de barbillons – parfois très longs – au niveau de la bouche et du menton. Le genre Clarias (famille des Clariidae) a une importance commerciale considérable. Différentes espèces sont fréquemment utilisées en aquaculture, eu égard au fait qu’elles présentent une grande tolérance par rapport à leur environnement et peuvent être élevées en grand nombre.
Comme les poissons-chats, les espèces de la famille des Cichlidae (dans l’ordre des Perciformes) présentent une grande variété morphologique et écologique. La plupart d’entre elles sont fortement adaptées à un habitat spécifique (type de sol ou de végétation particulier, rapides…). Dans cette famille, les soins apportés à la progéniture sont très développés et très variés. Il y a les pondeurs sur substrat, qui déposent leurs œufs sur le sol ou sur de la végétation et qui continuent par la suite à protéger leurs œufs ainsi que les jeunes enfants. Il y a ensuite les incubateurs buccaux spécialisés: les femelles, dans certains cas, les mâles dans d’autres, ou encore les individus des deux sexes, conservent les œufs et les nouveaunés dans la bouche afin de les protéger contre la prédation. La perche du Nil (Oreochromis niloticus et les espèces apparentées) est très importante économiquement. Ces espèces sont souvent utilisées en aquaculture et sont ainsi bien souvent introduites dans des régions où elles n’étaient pas présentes à l’origine. L’Oreochromis niloticus qui, excepté au lac Tanganyika, n’est pas présent dans le bassin du Congo, a été introduit en de nombreux endroits où il entre en compétition avec les Cichlidae d’origine, qu’il finit bien souvent par évincer.
2.2. Amphibiens et reptiles
La liste des amphibiens et reptiles a été constituée à partir des données des collections présentes au MRAC. Seules les espèces capturées dans le district y ont été reprises.
Les connaissances taxinomiques relatives aux grenouilles (amphibiens) sont problématiques. Étant donné que les spécimens conservés dans les collections sont souvent très similaires sur le plan morphologique et qu’aucune information n’est disponible quant aux cris et aux motifs de couleur, bon nombre de ces spécimens sont difficiles à identifier. Pour mettre au point la classification de ce groupe, il est indispensable de recueillir des informations sur le terrain concernant les motifs colorés et leur variabilité à l’intérieur d’une espèce. En outre, il convient aussi de se documenter sur le cri du mâle et de déterminer quels individus s’accouplent entre eux.
Les amphibiens (parmi lesquels les grenouilles) ont souvent un cycle de vie qui comporte deux phases distinctes. Les enfants (têtards chez les grenouilles) sont entièrement aquatiques, tandis que les individus adultes se meuvent aussi bien dans l’eau que sur terre. De nombreuses grenouilles arboricoles vivent même l’entièreté de leur vie hors de l’eau. Les grenouilles ayant une peau fortement perméable (la respiration se fait principalement par la peau), elles constituent d’importants bio-indicateurs. En cas de pollution du milieu aquatique, elles sont souvent les premières espèces à disparaître. Sous l’effet de la pollution et de l’infection fongique croissante, de nombreuses espèces sont menacées au niveau mondial, si bien que nombre d’entre elles figurent sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)7 .
La province de l’Équateur se trouve dans l’aire de distribution des trois espèces de crocodiles connues en Afrique. Il s’agit du crocodile du Nil, qui avait une distribution originale presque panafricaine, et deux espèces beaucoup plus rares, le faux gavial d’Afrique ou crocodile à nuque cuirassée et le crocodile nain.
• Crocodile du Nil
Le crocodile du Nil, Crocodylus niloticus, qui était, à l’origine, présent dans tout le bassin congolais, a disparu de certaines rivières ou régions, sous la pression humaine. Néanmoins, cette espèce, répandue dans presque toute l’Afrique, n’est pas menacée, et son statut UICN est « risque faible/préoccupation mineure ». Le crocodile du Nil est de grande taille (taille maximale de 6 à 7 m). Il s’agit d’une espèce prédatrice qui se nourrit principalement de poissons (les jeunes se nourrissent principalement d’insectes, de grenouilles et de têtards). Mais, ce qui fait du crocodile du Nil une espèce redoutée, c’est qu’il est capable d’attaquer des animaux au bord de l’eau. Pour un grand crocodile, l’homme n’est ainsi qu’une proie potentielle parmi d’autres. Il a été observé que des crocodiles sont capables de sauter hors de l’eau jusqu’à une hauteur d’à peu près deux tiers de leur longueur. Une fois leur proie capturée, celle-ci est submergée jusqu’à ce qu’elle se noie, ou déchiquetée à l’aide de leurs fortes mâchoires. La proie est dévorée et peut être avalée sous l’eau. Avec sa grande distribution et son importante population, le crocodile du Nil a le statut «préoccupation mineure » (Demey & Louette 2001) sur la liste rouge de l’UICN. Néanmoins, il est menacé dans certaines régions.
• Faux gavial d’Afrique
Le faux gavial d’Afrique (Crocodylus cataphractus) est une espèce de taille moyenne (taille maximale d’environ 3 m), caractérisée par un museau long et étroit. Cette espèce se nourrit principalement de poissons ou, quand l’opportunité se présente, d’oiseaux, de reptiles et d’amphibiens. Contrairement au crocodile du Nil, c’est une espèce timide et farouche, qui fuit les hommes. Elle ne pratique pas la technique de chasse par embuscade, et ne représente aucun danger pour l’homme. La connaissance relative à cette espèce est très pauvre. Son statut sur la liste rouge de l’UICN est «données insuffisantes ».
• Crocodile nain
Le crocodile nain, Osteolaemus tetraspis, est une espèce de taille relativement petite (longueur environ 2 m), avec une tête, un corps et une queue fortement cuirassés. Cette espèce est très peu connue. Elle semble préférer les rivières qui coulent mollement, et éviter les rivières majeures. Sa présence a été constatée dans des régions de forêts ou de savanes. Cette espèce, principalement nocturne, se nourrit de crabes, de grenouilles et de poissons. Le statut du crocodile nain sur la liste rouge de l’UICN est « vulnérable » (Demey & Louette 2001), mais il serait nécessaire de consacrer davantage de recherche à ce crocodile.
2.3. Oiseaux
Pour la composition de la liste des espèces d’oiseaux, différentes sources ont été utilisées. Une partie de la liste des espèces est basée sur les spécimens de la collection du MRAC qui ont été recueillis dans le district. La liste a été complétée sur base de la liste d’espèces des régions importantes pour la conservation d’oiseaux (Demey & Louette 2001). La nomenclature pour les oiseaux respecte celle qui est présentée dans Avibase et Birdlife International (Lepage 2011).
Le site de Ngiri (code CD003 sur la liste des « Important Bird Areas » [IBA9 )]), dans la province de l’Équateur, est considéré comme une zone importante pour la conservation des oiseaux. Ce site couvre une grande aire de forêts marécageuses, avec de nombreuses rivières, entre l’Ubangi à l’ouest et le fleuve Congo à l’est. De nombreux oiseaux aquatiques se reproduisent à Ngiri, en particulier le héron pourpré, le cormoran africain et l’anhinga d’Afrique. Ngiri est le seul site au Congo où l’on trouve le souimange du Congo. Les espèces clés sont le héron pourpré et le guêpier gris-rose.
• Héron pourpré
Dominique MIGLIANI ©
Le héron pourpré (Ardea purpurea) est une espèce migratoire avec une très grande distribution (le paléarctique ouest [Europe, Moyen-Orient et Afrique du Nord], l’Afrique et l’Asie tropicale). Les différentes populations se reproduisent à différents moments de l’année ; les populations africaines, pendant la saison des pluies. Cet oiseau se reproduit en colonies, relativement petites, en Afrique (2-3 jusqu’à 50 paires par colonie). Il habite des terres marécageuses, avec une préférence pour les roseaux denses. Il se nourrit de poissons, de salamandres, de grenouilles, d’insectes, de crustacés, de mollusques et même de petits mammifères, d’oiseaux et de reptiles. Avec sa vaste aire de distribution et son importante population, son statut UICN est «préoccupation mineure ».
• Cormoran africain
Le cormoran africain (Phalacrocorax africanus) a également une énorme aire de distribution, qui couvre presque toute l’Afrique subsaharienne, à l’exception des zones trop arides. Il est principalement sédentaire, mais peut migrer partiellement en fonction du niveau de l’inondation. La reproduction est associée à la saison des pluies et au niveau des inondations. Elle se fait généralement en association avec d’autres oiseaux aquatiques, à raison de 1 à 5 paires de cormorans dans des colonies mixtes. Il préfère les eaux protégées. Il se nourrit principalement de poissons et de proies relativement lentes (particulièrement Cichlidés). Son statut UICN est «préoccupation mineure ».
• Souimange du Congo
Si le site de Ngiri est le seul endroit, en RDC, où se rencontre le souimange du Congo (Nectarinia congensis), son aire de distribution est néanmoins vaste. Peu d’information sur l’écologie de cette espèce est disponible. Même si sa population totale est estimée en déclin, son statut UICN est «préoccupation mineure », du fait que cette espèce reste commune dans son aire de distribution.
• Guêpier gris-rose Le guêpier gris-rose (Merops malimbicus) a une grande distribution, couvrant une importante partie des zones de forêts d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Comme pour le souimange du Congo, peu d’information sur l’écologie de cette espèce est disponible. La taille totale de sa population n’a pas été correctement estimée, mais est suffisamment large pour que son statut UICN reste «préoccupation mineure ».
2.4. Mammifères
La composition des listes de mammifères pour la région de l’Équateur est également basée sur différentes sources. Une première liste a été constituée à partir de la banque de données des mammifères du MRAC. Ensuite, une série d’espèces ont été ajoutées sur la base des faunes mammaliennes (Kingdon 1997 ; Kingdon 2006).
• Chimpanzé
Le chimpanzé, Pan troglodytes (qui, comparativement aux gorilles, présente une distribution relativement étendue dans les forêts humides d’Afrique centrale et occidentale). Selon la liste rouge de l’UICN, le statut du chimpanzé est « en danger », étant donné la tendance décroissante de sa population. Son habitat de prédilection est constitué de forêts pluvieuses et de forêts-galeries, pénétrant la savane, ainsi que de forêts de plaine et de montagne. Son alimentation se compose pour moitié de fruits, à côté de feuilles, de brindilles et d’écorces. En outre, il consomme parfois certains insectes (comme les termites), ainsi que de petits mammifères. Les chimpanzés forment des communautés sociales de 15 à 20 individus. La taille des communautés dépend de la présence de nourriture.
Jusqu’en 1927, une seule espèce de chimpanzé était connue. En étudiant du matériel crânien des collections du MRAC, Harold Coolidge avait d’abord observé que certains crânes, qui étaient identifiés comme ceux de chimpanzés juvéniles, représentaient des spécimens adultes (les sutures crâniennes de ces crânes étaient complètement fusionnées). Schwarz, un autre spécialiste des primates africains, savait déjà que les chimpanzés étaient différents d’une rive à l’autre du fleuve Congo. Quand il visita le Musée, quelques semaines après Coolidge, Henri Schouteden, le directeur de l’institution, l’informa des observations faites par Coolidge. Schwarz fit alors une brève description des bonobos ou chimpanzés nains, basée sur un crâne et une peau que le Musée avait acquis en 1927. Les deux espèces de chimpanzés sont distribuées sur les rives opposées du fleuve Congo. L’on trouve le bonobo (espèce endémique de la RDC) uniquement au sud (rive gauche) du fleuve, tandis que plusieurs populations de chimpanzés sont distribuées de l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique centrale et, en RDC, exclusivement dans les forêts au nord (rive droite) du fleuve.
• Bonobo
chimpanzé nain Le bonobo (Pan paniscus) est une espèce endémique en RDC, que l’on ne trouve qu’au sud (ou sur la rive gauche) du fleuve Congo. Aujourd’hui deux populations sont présentes dans le pays. Une première population, relativement grande et saine, se trouve dans la cuvette centrale du bassin congolais, entre le fleuve Congo, le Lualaba et les rivières Équateur/Sankuru. Une deuxième petite population se trouve sur la rive sud-ouest du lac Tanganyika en RDC. Il est possible que cette population montagneuse constitue une espèce distincte.
Le braconnage reste une des menaces les plus importantes pour la survie des bonobos. Il peut avoir un impact négatif à long terme, en raison de la longueur de leur maturation, de la lenteur de leur reproduction et du fait qu’ils constituent des communautés sociales cohésives. Des estimations de leur importance numérique dans le district de l’Équateur sont inexistantes. Sur la liste rouge de l’UICN, le bonobo est considéré, depuis 1996, comme espèce « en danger ».
• Éléphant d’Afrique
L’éléphant (Loxodonta africana) est toujours présent dans le district de l’Équateur. Deux sous-espèces de l’éléphant d’Afrique sont reconnues, l’éléphant de savane (Loxodonta africana aficana) et l’éléphant de forêt (Loxodonta africana cyclotis). L’éléphant de forêt se distingue de l’éléphant de savane, entre autres, par sa taille moyenne plus petite, ses oreilles plus petites et ses défenses plus petites et plus étroites. Le statut UICN de l’éléphant africain est « vulnérable », mais sa population totale est croissante. Malheureusement, ce n’est pas le cas pour l’éléphant en RDC, où, en raison des périodes d’instabilité politique récentes et du braconnage, sa population a diminué.
• Hippopotame
L’hippopotame (Hippopotamus amphius) est une espèce qui dépend entièrement de la présence d’eau, et dont la distribution historique couvrait presque tous les bassins hydrologiques d’Afrique. Aujourd’hui, l’hippopotame a disparu d’une grande partie de l’Afrique du Sud et du bassin du Nil, où on le trouve seulement dans les zones marécageuses du haut Nil. Sa distribution se réduit toujours actuellement. Son statut sur la liste rouge de l’UICN est « vulnérable ».
• Chat doré africain
Le chat doré africain (Felis aurata) est une espèce typique des forêts humides africaines, distribuée dans le bassin central congolais et dans les forêts humides de la côte de l’Afrique de l’Ouest. C’est un chat assez puissant, avec un museau court et de petites oreilles noires. Sa coloration et ses marquages sont très variables. Le dos et les flancs sont uniformes, rouges, jaunes ou gris fumé. Le ventre et l’intérieur des pattes sont tachetés. Il se nourrit de petits mammifères et d’oiseaux. Comme sa population est estimée en déclin, son statut sur la liste rouge de l’UICN est «quasi menacé ». Selon ces estimations, sa population a décliné de 20% au cours des quinze dernières années. La perte d’habitat, la chasse et le déclin du nombre de proies disponibles (ce qui est particulièrement le cas en RDC) y ont fortement contribué.
• Pangolin à écailles tricuspides
Le pangolin à écailles tricuspides ou pangolin à petites écailles (Phataginus tricuspis) est présent dans le district de l’Équateur. Les pangolins se nourrissent de fourmis et de termites, leur corps et leur queue, longue et musclée, sont couverts d’écailles (des extrusions cornées de l’épiderme). Le pangolin à écailles tricuspides est la plus petite espèce connue en Afrique ; il atteint une longueur totale d’environ un mètre et pèse jusqu’à trois kilos. La population du pangolin diminue. Son statut sur la liste rouge de l’UICN est «quasi menacé ».
• Pangolin à longue queue
Le pangolin à longue queue (Uromanis tetradactyla) est une petite espèce arboricole. Comme son nom l’indique, il possède une très longue queue, dont les faces et les dessous sont noirs. Il est actif pendant la journée, mais comme il est très méfiant, il est très difficile à repérer. Il reste toujours près d’un point d’eau, et dort dans les arbres creux ou les nids d’insectes qu’il a creusés. Il se nourrit des fourmis des arbres. Son statut sur la liste rouge de l’UICN est «préoccupation mineure », en raison de sa grande population, de sa large distribution et de sa nature méfiante.
• Pangolin géant
Le pangolin géant (Smutsia gigantea) est la plus grande espèce de pangolins. Il a un corps puissant, couvert de grandes écailles brunes dont la forme et la texture changent avec l’âge. Lorsqu’il marche, ses pattes arrière laissent des empreintes rappelant celles de petits éléphants, tandis que ses pattes avant reposent sur ses poignets, et que ses longues griffes sont repliées vers l’arrière. Il habite les forêts et les forêts mosaïques et se nourrit principalement de termites et de fourmis. Son statut UICN est «quasi menacé », sa population ayant subi un déclin d’environ 20 à 25% au cours des quinze dernières années, particulièrement en raison du braconnage. Si sa population totale est en déclin, dans certaines zones elle est considérée comme stable.
• Léopard
Le léopard, Panthera pardus, a une distribution qui couvre presque toute l’Afrique subsaharienne. On le trouve principalement sur des terrains accidentés et possédant une épaisse végétation. Sa nourriture consiste principalement en mammifères moyens et grands, parfois en oiseaux et en arthropodes. Contrairement au lion, le léopard est un animal entièrement solitaire, sauf pendant la période de reproduction, où les femelles supportent la présence du mâle pour une courte période. Comme il peut hisser ses proies dans les arbres, il évite celles qui sont plus grosses que lui. Le léopard est une espèce très menacée ; son statut UICN est «presque menacé d’extinction», avec une tendance à la décroissance de la population. Chez plusieurs peuples bantous, et particulièrement en RDC, le léopard était considéré comme un animal rusé, puissant et résistant. Le président Mobutu portait une toque faite de peau de léopard. On disait même, dans l’opinion, que certains attributs du léopard le rendaient puissant. Le léopard fait partie des armoiries de la République démocratique du Congo.
• Buffle d’Afrique
Le buffle d’Afrique (Syncerus caffer) est un des plus grands bovins d’Afrique. De grandes différences existent entre le buffle de forêt (S. c. nanus) (présent dans le Parc national de la Salonga), et le buffle de savane (S. c. caffer et autres sous-espèces). Entre ces extrêmes existent des types intermédiaires et mixtes.
Le buffle de forêt est plus petit (poids maximal 320 kg), avec des cornes plus réduites et moins courbées (adaptations qui lui permettent de se déplacer plus facilement dans la forêt). Le buffle de savane est nettement plus grand (poids jusqu’à 850 kg), avec des cornes beaucoup plus fortes, grandes et courbées. Dans la forêt, on trouve les buffles dans des clairières herbeuses (dont la croissance végétale est souvent limitée par les pâturages des buffles euxmêmes), cours d’eau ou bassins inondés. Dans la savane, ils préfèrent les forêts et vallées. Le buffle de forêt forme des groupes d’une douzaine d’individus composés de femelles, de jeunes et d’un ou plusieurs mâles. Les autres mâles sont généralement solitaires ou en petits groupes. La population totale du buffle d’Afrique diminue, mais comme il en est de nombreux qui survivent sur une aire de distribution très vaste, son statut sur la liste rouge de l’UICN est «préoccupation mineure ».
• Bongo
Le bongo (Tragelaphus euryceros) est un boviné de taille moyenne habitant les forêts humides d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest. Il a un corps allongé, musclé, de couleur rousse, marqué de 10 à 16 rayures blanches sur les flancs. Les mâles deviennent plus lourds et sombres avec l’âge. Les deux sexes portent des cornes en spirale. Il habite de préférence les repousses de verdures, où il se nourrit du feuillage, de plantes herbacées, de graminées et de lianes.
• Sitatunga
Le Sitatunga (ou guib d’eau, Tragelaphus spekei) est un bovin ébouriffé, relativement haut sur pattes, caractérisé par sa posture aux pattes écartées et ses longs sabots évasés. Les mâles sont brun foncé, avec 8 à 10 rayures dorsales; ils portent des cornes épaisses et carénées. Les femelles sont plus petites, rousses et sans cornes. Ils habitent la végétation buissonnante en bordure des cours d’eau de forêt, se nourrissent d’arbustes, de plantes herbacées et de graminées.
Références
Birdlife International. 2011. Species Factsheet. http://birdlife.org
Demey, R. & Louette, M. 2001. «Democratic Republic of Congo». In Fishpool, L.D.C. & Evans, M.I. (éd.), Important Bird Areas in Africa and Associated Islands: Priority Sites for Conservation. Newbury & Cambridge, UK: Pisces Publications & BirdLife International («Birdlife Conservation Series », n° 11), pp. 199-218.
Froese, R. & Pauly, D. (éd.). 2009 (octobre). FishBase. World Wide Web electronic publication. www.fishbase.org, version (10/2009).
Kingdon, J. 1997. The Kingdon Field Guide to African Mammals. San Diego (USA) : Academic Press («Natural World»), 465 p.
Kingdon, J. 2006. Guide des mammifères d’Afrique. Paris: Delachaux et Niestlé SA, 272 p.
Lepage, D. 2011. Avibase. Publication sur Internet. http://avibase.bsc-eoc.org
Marlier, G. 1958. «Recherches hydrobiologiques au lac Tumba (Congo belge, province de l’Équateur) ». Hydrobiologia 10 : 352-385.
Matthes, H. 1964. Les poissons du lac Tumba et de la région d’Ikela. Étude systématique et écologique, coll. « Annales du MRAC », vol. 126 , p. 204.
Poll, M. 1942. «Les poissons du lac Tumba, Congo belge ». Bulletin du Musée royal d’histoire naturelle de Belgique 18 (36) : 1-25.
Deuxième partie : les hommes
Chapitre I : Peuples
La province de l’Équateur étant le pays de l’eau et de la forêt, la rareté de terres suffisamment élevées pour accueillir de nombreux habitants expliquerait la faible densité de la population et sa concentration dans les meilleurs sites, le long du fleuve et des rivières et sur les terres fermes. Elle expliquerait également l’intensité des mouvements migratoires, à la recherche de bonnes terres, de même que la nécessité d’aménager les terres impropres à une habitation qu’elle fût provisoire ou définitive.
La province de l’Équateur est occupé actuellement par deux grands groupes de populations: les Riverains, comprenant divers petits groupes, et les Terriens, comptant les Mongo et les Ngombe. Ajoutons-y un troisième groupe, plus petit, celui des chasseurs cueilleurs (Pygmées), connus sous les appellations de «Balumbe», «Batswa» ou «Bambenga». L’ordre d’occupation de la région reste difficile à préciser, mais l’hypothèse la plus probable est que les premiers occupants furent les Riverains.
1. Mise en place des Riverains
Pays de rivières et de terres largement inondées, le district de l’Équateur est occupé depuis le dernier pluvial10 (–10000 à –3000) par des populations de pêcheurs appartenant à la grande civilisation aquatique de l’Afrique centrale et orientale (Ki-Zerbo 1980). Les traces les plus anciennes de cette civilisation aquatique sont attestées par la découverte de l’horizon Imbonga, sur la Momboyo, datant de –2500 (Mumbanza 1995). Ces hommes occupaient donc le pays avant l’arrivée des Bantous. Ils étaient éparpillés le long du fleuve et dans tous les bassins des principales rivières: Ubangi, Mongala, Lulonga et Ruki. Ils vivaient de la cueillette, de la pêche et de la chasse aquatique. Ils étaient les seuls à pouvoir se mouvoir dans les marais, grâce à la maîtrise de la navigation. Pendant ce temps, les Pygmées ou les chasseurs-cueilleurs occupaient les régions périphériques de la cuvette où ils étaient fixés depuis plusieurs millénaires. D’ailleurs, c’est de ces groupes de chasseurs-cueilleurs que furent issus les nouveaux pêcheurs, à l’époque des grandes inondations.
L’occupation effective de la mer intérieure qui se desséchait progressivement coïncide avec les migrations des Bantous qui ont absorbé une grande partie des anciennes populations. Cette occupation s’étend sur des milliers d’années et est impossible à retracer, même dans les grandes lignes. Durant toutes ces années, de petits groupes partis des rives de l’Ubangi ont sillonné et occupé les terres jusque dans le bassin de la rivière Kasaï (Mumbanza 1980 : 37-46). Pour des raisons écologiques, économiques, politiques et sociales, les Riverains occidentaux se sont dirigés dans tous les sens en empruntant toutes les voies navigables. Les traditions récoltées à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle n’ont retenu que les mouvements remontant au XVIe ou au XVIIe siècle.
Les principaux groupes riverains actuels sont tous des Bantous. Ils seraient partis d’un autre pays de rivières, de l’entre Ubangi-Sangha. Les raisons profondes de ces migrations pourraient être plus économiques que politiques. Mais les perturbations politiques existant plus au nord, notamment au sud du Cameroun et en République centrafricaine, entre les XVe et XVIe siècles ne sont pas totalement à exclure (Deschamps 1970).
Par vagues successives, les Bobangi, les Banunu, les Mpama et les Losakani ont débouché sur la rivière Ubangi et ont occupé son confluent avec le fleuve Congo, avant de se répandre sur les deux rives du Congo, jusqu’à l’embouchure du Kasaï. Les Bobangi reconnaissent Botoke comme propriétaire du fleuve ; il a probablement été à la tête des premiers groupes de migrants. Les groupes habitant le territoire de Lukolela, les Mpama et les Lusakani, auraient, selon d’autres versions, séjourné dans la région des Mbonzi, entre la Ngiri et le fleuve Congo. Après avoir vécu à Mankanza, ils se seraient dirigés vers Mbandaka, où ils auraient fondé Ikengo, puis Irebu, avant de se fixer à Lukolela. Tous ces groupes apparentés aux Bobangi sont majoritairement apparentés aux peuples voisins de la République du Congo (Brazzaville). Ils étaient probablement dans cette région autour des années 160013. À noter que les Bobangi qui habitaient le village du même nom près de l’embouchure de l’Ubangi ont donné leur identité à la rivière. La rivière Ubangi n’est rien d’autre que Mai ma Bobangi. Ajoutons qu’avant l’arrivée des Bobangi et des groupes apparentés cités plus haut, notamment les Mpama, le territoire de Lukolela était occupé par les Sengele, qui quittèrent le pays sans s’opposer aux Mpama, qu’ils redoutaient.
Pendant que les Bobangi et leurs parents se dirigeaient vers le sud, d’autres branches remontaient le fleuve pour occuper les deux rives et pénétrer dans la région des affluents de la rive gauche, la Ruki, l’Ikelemba et la Lulonga. Tel est le cas des Riverains de la basse Ruki, les Baenga, voisins des Boloki, et des Eleku de la Lulonga, qui sont revenus sur leurs anciens emplacements, sous la double poussée des Mongo et des Ngombe, au moment où ces deux principaux groupes de populations se disputaient le bassin de la Lulonga et de l’Ikelemba, au début du XIXe siècle.
Alors que le fleuve et les affluents de gauche offraient des voies pour l’occupation du Sud et du Centre de la cuvette, la vallée de la Ngiri fournissait une autre ouverture vers le nord d’abord, jusqu’aux marais de la Haute-Ngiri, vers le fleuve ensuite, en empruntant les chenaux de l’entre Ngiri-Congo. Ainsi, les ancêtres des Djando, des Mwe, des Ndolo, des Ewaku, des Limbinza, des Mbonzi et des Baloi ont occupé à tour de rôle les îles et les rives de la Basse et de la Moyenne-Ngiri, avant que certains ne s’enfoncent dans les marais de la Haute-Ngiri ou dans les forêts des deux rives, à la recherche de terres résistant aux inondations.
En se repoussant les uns les autres, les Tandu et les Ndolo, les Djandu et les Mwe ainsi que les Ewaku se fixèrent dans les marais de la Haute-Ngiri, à la limite des terres fermes. Cette région constitue une frontière migratoire que les peuples riverains ne pouvaient franchir, étant donné leur mode de vie. Les peuples de la terre ferme avaient, quant à eux, des problèmes pour descendre dans les marais, n’ayant pas connaissance de la navigation (Mumbanza 1980 : 37-46).
Le village Limbinza de la Moyenne-Ngiri, dont le nom a été étendu aux autres groupements parlant la même langue, aurait été fondé par un certain Mokelembembe. On dit en effet: «Limbinza li nkoto nkoto li Mokelembembe » («Limbinza, dans les plaines herbeuses, appartient à Mokelembembe »). Plusieurs autres villages limbinza, comme Bobaka, Bongoyi, Liketa, ont été fondés par les hommes ayant quitté les établissements portant les mêmes noms dans la Basse-Ngiri.
L’habitat des Limbinza et des Baloi (à l’exception de quelques grands villages de la Basse-Ngiri) est assez caractéristique. Chaque village avait, au départ, deux sites: l’un situé sur le bord de la forêt (lit majeur de la rivière), l’autre utilisé comme campement, situé sur le lit mineur. Ainsi, pendant la saison des eaux hautes, les populations occupaient les bords de la forêt, et pendant les eaux basses, elles se retiraient sur la plaine herbeuse. Les campements ont fini par devenir des villages permanents, et ce pour deux raisons. D’une part, grâce aux techniques de fortification des villages, les campements furent solidifiés et élargis. D’autre part, cette position au milieu de la plaine herbeuse les mettait quelque peu à l’abri des attaques des peuples de la forêt, surtout des Dzamba et des Likoka-Ntanda (Mumbanza 1980 : 30). Dans les villages des Limbinza, se cultivent surtout les bananiers, mais les bonnes terres des Baloi, comme à Mobena et Ngondo, conviennent aussi à la culture du manioc.
Parmi les groupes qui avaient envahi assez tôt la forêt de la rive gauche de la Ngiri figuraient les Mbonzi et les Ndobo. Le territoire des Mbonzi, aujourd’hui quasi inoccupé, s’étendait depuis Mobena, dans la basse Ngiri, jusqu’à Bosilela, dans la moyenne-Ngiri. Certains groupes Mbonzi revinrent vers la Ngiri et, l’ayant traversée, occupèrent la rive droite, grâce aux multiples chenaux qui relient la Ngiri à la crête des eaux Ubangi-Ngiri. Ils ont donné naissance aux Lobala et Likoka-Ntanda.
L’histoire a retenu quelques meneurs d’hommes qui ont fondé les principaux clans chez les Lobala. Les Lobala de Mokame ont quitté Mabale sous la férule d’Intumba ; ceux d’Ikwangwala, près de Mokolo, étaient dirigés par Mwanandungu. Les Ntanda de Nkoko (actuel Botaba), partis probablement de Zoko, ont été conduits par Mwango, pendant que leurs voisins de Bokwe avaient pour chef Intumbe. Les autres Ntanda de Nkungu (Bolebo), partis de Mabale, suivaient Lobele.
Ces migrations étaient généralement pacifiques, car elles étaient dictées par la recherche de terres suffisamment hautes pour garantir la culture du manioc. Les principaux chenaux suivis par ces hommes étaient le chenal de Djombo, conduisant chez les Lobala III et les Mbonzi, le chenal de Bokondo (Stanley 1885 ; Coquilhat 1888), en amont de Nkolo, conduisant vers la même région, le chenal d’Elango, conduisant à Nkoko et à Bokwe, le chenal de Bolebo, conduisant à Nkungu et à Bokala, le chenal de Bokondo (Hulstaert 1986), conduisant à Bangangala et à Bokondo, le chenal d’Iwondo, conduisant à Iwondo et Ikobo, le chenal de Bodjinga, conduisant à Bodjinga et à Botungu. Les Likoka-Ntanda avaient suffisamment de terres pour cultiver le manioc et le bananier. Ils exploitaient également le palmier elæis pour la production d’huile et de vin de palme.
Les Dzamba sont probablement partis eux aussi du territoire Mbonzi, dans la forêt de la rive gauche de la Ngiri, ou des rives mêmes de la rivière Loyi, après avoir traversé l’Ubangi, car les Dzamba ressemblent aux Mbonzo (Bondjo) restés sur la rive droite. Mais la formation des clans des groupements Makutu, Bonsambi et Sikoro est difficile à retracer. Pour occuper leur espace, ils ont emprunté le chenal de Mololo, conduisant vers les Makutu, le chenal Mungay, conduisant vers Bonsambi, le chenal de Moluba, conduisant vers Sikoro et Moluba. Les Mangba ou les Dzamba du groupement Buburu reconnaissent avoir la même origine que les LikokaNtanda de Nkoko. Ils ont emprunté le chenal de Djombo, avant de s’implanter sur les terres du versant Ngiri-Ubangi (Mumbanza 2003 : 53-76).
Les Dzamba des marais ont peu de terres, vivant sur les îlots fortifiés. C’est la raison pour laquelle ils ne cultivent pas beaucoup de manioc. Seuls les Makutu et les Mangba ont suffisamment de terres adaptées à la culture vivrière. Les Dzamba exploitaient surtout le palmier elæis destiné à la production d’huile et de vin de palme.
Les groupes détachés des Limbinza de la MoyenneNgiri ont occupé également la forêt de la rive gauche et ont donné naissance aux groupements Mabale et Balobo, dans l’entre Ngiri-Congo. Les autres groupes partis de la même région de la Moyenne-Ngiri par le chenal de Mabale ont débouché sur le fleuve Congo. Il s’agit des Lusengo, des Iboko et des Boloki. Ils ont occupé le territoire situé entre Mbandaka et Lisala, en remontant et en descendant le fleuve. Ils s’établirent sur tous les bons sites tels que Lolanga, Mankanza et Bopoto. D’autres se contentèrent des sites de second rang, qu’ils essayèrent d’aménager, sans réussir à combattre les inondations.
Ainsi les Boloki se répandirent sur les deux rives, de Bobeka (Mobeka), à l’embouchure de la Mongala, à Mbandaka, à l’embouchure de la Ruki, rivière à laquelle ils ont donné leur nom. Ruki est, en effet, une déformation de Mai ma Boloki (Stanley 1885 : 381-382). Les Iboko dont les frères descendirent jusqu’à Bakanga, en face de Mbandaka, partageant la grande agglomération de Mankanza avec les Mabale, après avoir chassé les Boloki. Les Iboko étaient menés par Lokole, dont descendait le grand chef Mata-Boike. Les Mabale, eux, étaient conduits par Molamba. Les Lusengo occupèrent le site de Lusengo entre Mankanza et Bobeka (Mobeka), mais certains des leurs allèrent s’installer à Bomangi (Umangi) et Bopoto (Upoto), sous les collines de Lisala et même au-delà, entre Lisala et Bumba (Mumbanza 1980: 39).
L’espace entre Mankanza et Lisala fut aussi occupé par quelques groupements ngombe et motembo venant de la Mongala. Ce fut donc le point de rencontre, au début du XIXe siècle, entre les Riverains venant du sud-ouest et les Ngombe venant du nord. Il est presque certain que les Riverains étaient déjà maîtres de ce territoire à la fin du XVIIIe siècle; ce sont eux qui accueillirent les groupes terriens et les aidèrent à traverser le fleuve. Les traditions, qui sont muettes à propos d’éventuels conflits entre les deux groupes, avaient sans doute pour objectif de souligner l’intégration rapide des Ngombe dans les sites déjà occupés par les Riverains: Mankanza, Lusengo et Bobeka. Les raisons seraient économiques et politiques. Les Ngombe, qui ne savaient pas naviguer, avaient besoin des Riverains pour s’adapter à leur nouvelle vie. Ces derniers avaient besoin des agriculteurs pour assurer leur approvisionnement en produits agricoles. Les Ngombe étaient, en outre, recherchés pour assurer la défense des agglomérations contre les ennemis, surtout contre les ngili, guerriers réputés dans la région, venant de la Ngiri (Coquilhat 1888).
Les Mbonzi et les Ndobo, ainsi que les Balobo, qui étaient restés dans la forêt de l’entre Ngiri-Congo, communiquaient avec le fleuve et la rivière Ngiri grâce aux multiples chenaux. Le territoire des Balobo, situé près de la Haute-Ngiri comprenait beaucoup de villages fortifiés, les miteba et les mibanda. Les Balobo vivaient de la pêche et de la chasse, de l’agriculture sur les îlots artificiels, de l’exploitation de l’huile de palme et de la fabrication des pirogues, qu’ils vendaient aux peuples de la MoyenneNgiri (Limbinza, Likoka-Ntanda et Dzamba) (Mum-banza 1980 : 254-265).
Avant la mise en place des populations actuelles, le pays des Riverains était peu peuplé. Les traditions ne signalent pas de populations installées antérieurement et les Pygmées ne pouvaient pas vivre dans les marais de la Ngiri, par exemple. Cette région a été surtout colonisée par les populations riveraines, après l’adoption des plantes étrangères adaptées à la région, notamment le bananier et, plus tard, surtout le manioc, qui provoqua certains mouvements de population au début du XVIIIe siècle. Ces deux plantes, qui fournissent les aliments de base dans la région riveraine, comme dans l’ensemble de la cuvette, ont été adoptées respectivement au XVe siècle et au XVIIe siècle.
On peut donc estimer que cette région a été peuplée dans son ensemble entre le XVe et le XVIIIe siècle. Mais l’occupation de l’espace s’est poursuivie du fait de la croissance démographique. Divers autres sites ont été abandonnés par la suite, avec la réduction de la population causée par les grandes épidémies, comme la maladie du sommeil, ou par les migrations modernes.
Tels sont les premiers groupes de pêcheurs qui ont occupé les rives de l’Ubangi depuis Dongo jusqu’à l’embouchure, les rives de la Ngiri depuis l’embouchure jusqu’aux marais de la Haute-Ngiri, puis les rives du fleuve, depuis Lisala jusqu’à Bolobo. Les Riverains occupèrent donc trois territoires entiers de l’Équateur: Bomongo, Mankanza et Lukolela. Les groupes détachés de ce bloc occidental pénétrèrent dans les bassins de la Lulonga, de l’Ikelemba et de la Ruki, dans les territoires de Basankusu, Bolomba et Ingende.
Au milieu du XIXe siècle, les établissements riverains furent renforcés par l’arrivée de nombreux esclaves, mongo pour la plupart, vendus par les Ngombe dans le bassin de la Lolongo. Le marché de Basankusu comptait, jusque dans les années 1890, parmi les plus grands marchés d’esclaves de l’Équateur. Alexandre Delcommune, de passage à Basankusu en 1889, signale que près de 2500 esclaves attendaient d’être vendus aux marchands du fleuve (Delcommune 1922 : 326-327). Les agglomérations du bas Ubangi et du fleuve avaient ainsi accueilli des milliers d’étrangers, dont beaucoup jouèrent un rôle déterminant dans l’organisation du commerce de l’ivoire et des esclaves. Certains esclaves étaient engagés comme pagayeurs dans les expéditions commerciales, pendant que d’autres cultivaient le manioc et les bananiers pour le ravitaillement des voyageurs. Les expéditions commerciales permirent les retrouvailles entre les groupes d’aval et d’amont, autrefois séparés. Certains grands villages (Mankanza, Lolanga, Wangata, Ilebo, Lukolela, Bolobo, etc.) devinrent des centres cosmopolites, accueillant les représentants de tous les groupes. Le territoire des Riverains s’étendit plus au sud, jusqu’à Nsombele (Tchumbiri), à l’embouchure du Kasaï. Les Bobangi possédaient aussi des comptoirs sur les deux rives du Pool Malebo, dans le grand marché de Mpumbu, à la limite de la navigation.
2. Mise en place des Mongo et des Ngombe
Les Mongo et les Ngombe constituent les groupes terriens; leur origine est totalement différente de celle des Riverains dont il a été question plus haut. Il faut cependant souligner qu’ils ne forment pas un même bloc. Les Mongo, les plus nombreux dans le district, sont plus anciens que les Ngombe, arrivés seulement au début du XIXe siècle. Leur mise en place dans l’Équateur avant le démembrement sera, dès lors, évoquée séparément.
2.1. Installation des Mongo dans la Cuvette congolaise
Peuple Mongo
Selon l’étude linguistique du père Louis De Boeck (De Boeck 1953), consacrée aux peuples de l’entre Itimbiri-Ngiri, les Mongo et les Riverains seraient les plus anciens occupants de la cuvette ; leur établissement est de loin antérieur à celui des Ngombe. Il est cependant difficile de préciser l’antériorité des Mongo par rapport aux Riverains. Il est établi de nos jours que les migrants mongo, venus du bassin de l’Uele et qui longeaient ou traversaient les grandes rivières, les rivières Aruwimi et Itimbiri au nord du fleuve, le fleuve Congo, entre Basoko et Lisala, les rivières Lulonga, Ikelemba et Ruki, au sud du fleuve, avaient rencontré sur place les groupes riverains qui leur avaient prêté main forte pour aller plus loin. La plupart de ces anciens riverains ne sont plus identifiables de nos jours. Mais sur la Lulonga et la Ruki, les riverains baenga reconnaissent avoir une origine différente, même si, de nos jours, ils parlent tous des dialectes mongo.
Une hypothèse possible est que cette région largement inondée et marécageuse ait été occupée avant tout par les pêcheurs, dont beaucoup n’ont peut-être pas de rapports directs avec les riverains actuels. Comme souligné plus haut, cette ancienne civilisation de pêcheurs est attestée depuis le troisième millénaire. D’autres groupes de pêcheurs de plus en plus spécialisés sont apparus avec l’isolement des grandes rivières: la Lolongo (Lulonga), l’Ikelemba et la Ruki. Les derniers groupes riverains auxquels les Mongo se mêlèrent furent d’origine occidentale. Certains parlaient encore leurs langues propres jusqu’à la fin du XIXe siècle. À signaler que, selon Jan Vansina, les ancêtres lointains des Mongo (les Proto-Mongo) remonteraient aux années 800 de notre ère et que tout le territoire mongo aurait été occupé vers l’an 1000 (Vansina 1987).
Les groupes mongo étant nombreux, il convient de les distinguer. Il s’agit d’abord de porter l’attention sur les groupes mongo qui se trouvent dans le district de l’Équateur. Les Mongo du district de la Tshuapa, qui firent partie de la province de la Cuvette centrale, entre 1962 et 1966, seront abordés dans la quatrième partie, consacrée à l’Équateur post-indépendance. Nous énumérons de manière schématique, ci-après, ces autres groupes mongo, en les situant par territoire de résidence. Il y a :
– dans le territoire de Boende : les groupes Bakutu, Ekota, Mbole, Ntomb’a Nkole et Nsamba ;
– dans le territoire de Befale : les groupes Nsongo, Elinga, Mongando (les Likongo) et Nsamba ;
– dans le territoire de Bokungu : les groupes Bosaka et Mongando;
– dans le territoire de Djolu : le groupe Mongando, qui compte plusieurs sous-groupes, dont les Yaloola, Yailala, Yolota, Yete, Lingomo, Nkole et Nkolombo;
– dans le territoire d’Ikela : les groupes Yasanyama, Lalia-Ngolu, Boyela ainsi que les Topoke ;
– dans le territoire de Monkoto: les groupes Mbole, Ntomba, Imoma Mpako, Mpongo, Mpenge Ilonga, Watsi, Basengela, Lokalo et Mongando.
Cette identification peut s’avérer contestable, certains de ces groupes se voyant assez différents des Mongo au sens strict et revendiquant une appartenance séparée. C’est le cas, par exemple, des Topoke, dont le groupe principal resta attaché à la ProvinceOrientale. Les Mongando, quant à eux, s’apparentent, d’après la généalogie, aux Mongo, dont ils sont les nkali (fils de la sœur) et aux Mbole, des oncles maternels. L’origine des migrations semble être l’élément commun des Mongo: Gustaaf Hulstaert signale que l’immense majorité des peuples mongo donne comme direction générale des migrations nord-sud ou nord-est vers le sud-ouest (Hulstaert 1972). Seuls les Bakutu20 et les Mpongo-Imoma déclarent venir de l’ouest. La plupart de ces groupes ne renseignent pas de migrations en dehors de la cuvette. Rares sont ceux qui racontent la traversée du fleuve Congo.
Les principaux groupes mongo du district de l’Équateur sont les Mongo au sens restreint, les Nkundo, les Ekonda et les Ntomba. Ces Mongo, classés par les ethnologues comme les Mongo du Nord-Ouest, viennent de l’Uele, où ils vivaient probablement près des Budja et d’autres groupes bantous apparentés restés plus au nord. Les raisons profondes de ces migrations en vagues successives ne sont pas clairement connues. Mais la pression exercée sur les Azande et les Ngbandi dans le Soudan nilotique, pression consécutive à la poussée des Arabes musulmans dès le XVIe siècle, pourrait en être la cause lointaine. Les peuples se sont ainsi bousculés depuis les rivières Mbomu et Uele, Aruwimi et Itimbiri jusqu’au fleuve, et de là jusqu’au centre de la cuvette.
Après avoir traversé le fleuve Congo entre les rivières Aruwimi et Itimbiri, ou même plus en aval, les Mongo de l’Ouest se sont dispersés dans tout le territoire de la rive gauche, jusque dans les bassins de la Lolonga et de la Ruki. Ils avaient suivi les cours d’eau depuis les sources de la Lopori et de la Maringa qui forment la rivière Lolonga. L’occupation de bonnes terres destinées à la pratique de l’agriculture a certainement été lente. C’est de cet endroit que les groupes du Sud-Ouest partirent pour occuper leurs terroirs actuels, jusque dans le Bandundu. Les Ekonda et les Ntomba s’installèrent dans le territoire de Bikoro, pendant que les Nkundo occupèrent les environs de Mbandaka et le territoire d’Ingende. Certains groupes furent attirés par la vie sur l’eau et se mêlèrent aux anciens riverains. Ils furent nombreux parmi les Baenga et les Ngele ea Ntando (Hulstaert 1984).
Les derniers déplacements que l’histoire a retenus eurent lieu au début du XIXe siècle, lorsque les Ngombe venus de la Mongala s’emparèrent de tout le territoire au sud du fleuve jusqu’à la rivière Ikelemba, dans le territoire de Bolomba. C’est ainsi que les Mongo, chassés presque totalement des territoires de Bongandanga et de Bosu-Djanoa, n’occupèrent plus qu’une partie des territoires de Basankusu et de Bolomba. Ils envahirent ensuite la totalité des territoires d’Ingende et de Bikoro (Bokongo 2011). Dans le pays qu’ils ont abandonné aux mains des Ngombe, les Mongo ne sont plus représentés que par quelques individus appelés Mongo de Nkinga, dans le territoire de Mankanza.
Les Mongo de la province de l’Équateur ne reconnaissent comme populations installées antérieurement à eux-mêmes que les anciens riverains et les autres groupements mongo qui ont migré vers l’est et vers le sud. Il existe cependant dans cette aire territoriale deux groupes de Pygmées, les Balumbe et les Batswa. Ces derniers vivent depuis longtemps à proximité des Mongo, dans une situation de quasi-dépendance.
2.2. Installation des Ngombe
Notable ngombe en apparat dit Likala, chapeau en genesh ou plumes de perroque (DocPlayer.fr)
Ainsi qu’il a été signalé plus haut, les Ngombe ne se sont établis dans le district de l’Équateur que depuis le début du XIXe siècle. Ils venaient de l’Uele et se dirigeaient vers l’ouest lorsqu’ils furent attaqués par les Ngbandi dans la région de Yakoma. Ils s’installèrent ensuite aux sources de la Mongala, d’où ils furent à nouveau dispersés par les Ngbandi, leurs puissants ennemis. Un petit groupe se dirigea alors vers l’ouest pour se fixer dans les territoires de Bosobolo, de Libenge et de Kungu. Cela se passait entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. D’autres mouvements eurent lieu du fait de la croissance numérique des groupes ou pour des raisons économiques et sociales. Les derniers déplacements dans l’espace actuel du Sud-Ubangi furent occasionnés par la double pression des Ngbaka et des Ngbandi. Ne pouvant pénétrer dans les marais de la Haute-Ngiri, les Ngombe longèrent ces marais jusque dans le sud de Budjala. Certains pourront s’y maintenir au prix de durs combats contre les Ngbandi, pendant que d’autres rejoindront les riverains du fleuve, pour vivre à côté d’eux, entre Mobeka et Mankanza.
Toujours au début du XIXe siècle, certains membres des groupes les plus importants qui s’étaient dirigés vers le sud en suivant la Mongala, se retirèrent et s’établirent dans les territoires de Budjala et de Lisala. Ils furent obligés, quelques années plus tard, de traverser le fleuve Congo entre l’embouchure de la Mongala et Lisala, avec l’aide des Riverains. Commença alors une longue lutte entre les Ngombe et les groupements mongo occupant cette région de la boucle du Congo. Les Mongo battirent continuellement en retraite et les Ngombe devinrent maîtres de toute la région entre le fleuve et la Lulonga. Les guerres ne s’arrêtèrent qu’avec l’occupation européenne du bassin de la Lolonga, à partir de 1890. Plusieurs villages mongo furent soumis et assimilés aux Ngombe pendant que plusieurs captifs de guerre étaient vendus comme esclaves dans les agglomérations du fleuve et du bas Ubangi (Bokongo 2011 : 53-60).
Les Ngombe établirent assez rapidement des relations économiques avec les Riverains, en leur livrant des produits agricoles contre du poisson, du sel et de la poterie. Dans les années 1870-1880, ils commencèrent à fabriquer et à livrer de grandes pirogues aux riverains du fleuve, engagés dans le commerce de l’ivoire et des esclaves. Ils conservent cette activité jusqu’à ce jour. Les principaux groupements ngombe de l’Équateur sont les Bodala, les Likungu, les Bogbonga, les Moswea et les Yumba. Ils sont établis dans les territoires de Mankanza, Bolomba et Basankusu. Il est important de signaler que parmi les Ngombe, on retrouve des groupements Doko, une population apparentée habitant aux environs de Lisala. Ensemble, ils traversèrent le fleuve et formèrent un bloc Doko-Ngombe contre les anciens habitants. Les relations tendues entre ces deux derniers groupes jusqu’à la veille de la colonisation expliquent en grande partie les antagonismes politiques au début de l’indépendance.
2.3. Installation des Batswa
Les Pygmées de l’Équateur portent différents noms selon les lieux où ils habitent. Sur les rives de l’Ubangi, ils sont connus sous l’appellation de «Bambenga». Chez les Nkundo et les Ekonda, ils sont désignés sous le nom de «Batswa». Dans le territoire de Bolomba, ils sont appelés «Balumbe». Ailleurs encore en Équateur, ils portent le nom de «Bilangi ».
Considérés par tous comme les premiers habitants de l’Afrique centrale, dans la mesure où ils ont conservé la taille et les activités des populations autochtones, les Batswa de l’Équateur soulèvent tout de même un certain nombre de questions quant à leur origine et à leur établissement dans la cuvette. Ces hommes ne sachant pas naviguer, ils ne pouvaient se déplacer aisément que sur les terres fermes. Or, comme noté plus haut, pendant la période pluviale (-10 000 à -3000), la cuvette était une mer intérieure, ce dont témoignent les lacs Mai-Ndombe et Ntomba, sans oublier le lac Libanda et tout le bassin de la Ngiri. Les Pygmées ne pouvaient donc occuper que les régions périphériques. C’est le cas des Bambenga qui vivaient dans la région de Libenge. En longeant les hautes terres de l’Ubangi, ils pouvaient atteindre Dongo et Imese. Ils sont totalement absents du bassin marécageux de la Ngiri.
Quant aux Balumbe du territoire de Bolomba, ils sont certainement apparentés aux Baka, Pygmées de la Province-Orientale, qui occupaient une partie de la forêt au sud du fleuve, au moment où les Mobango, apparentés aux Budja, essayaient de s’y installer. Selon les traditions, ces Pygmées vinrent du nord et traversèrent les rivières et le fleuve grâce à l’aide des populations riveraines de l’Itimbiri, puis en utilisant le fleuve Congo. Ils occupèrent les meilleurs sites de la région méridionale du fleuve. Ils servirent de guides aux nouveaux migrants, entre les sources de la Lolonga et la Lomami21. Il y a lieu de croire qu’ils arrivèrent dans cette région au milieu du second millénaire de notre ère. En effet, les traditions des Budja et des Mobango rapportent que les chasseurscueilleurs qui avaient occupé le territoire au nord du fleuve furent obligés de traverser le fleuve pour se réfugier sur la rive gauche, alors très peu peuplée.
V. Rouvroy écrit à ce sujet:
«Les Batswa quittèrent le Bokombo dans la direction de la rivière Lolo, vers son embouchure dans l’Itimbiri qu’ils traversèrent grâce aux pagayeurs Yaliko. […] et furent déposés sur la rive gauche de l’Itimbiri, à l’embouchure de la rivière Loloka. […] Les Mombesa, avant de franchir le fleuve Congo, en auraient encore vus dans les environs de l’actuel Bolemo (à la rivière Motende), et auraient traversé le fleuve avec eux, mais ils auraient continué à s’enfoncer dans les forêts. Ces nains semblent bien être les aborigènes du pays » (Rouvroy 1930).
Ces Batswa vivent donc dans une liberté relative et ne dépendent d’aucun groupe mongo ou ngombe de la région. Le territoire qu’ils occupèrent est donc le dernier refuge qui leur permet de vivre après de nombreux déplacements imposés par les Bantous (dit Baoto), Mongo et Ngombe.
La situation des Batswa, qui vivent aux côtés des Nkundo dans le territoire d’Ingende, et des Ekonda, dans le territoire de Bikoro, reste vague. Les Mongo affirment qu’il s’agit des « esclaves » qui les ont accompagnés dans leurs migrations. Ils traduisent ainsi l’état de dépendance qui est le leur vis-à-vis des Nkundo et des Ekonda (Elshout 1963 ; Van Everbroeck 1961). Voici quelques remarques qui illustrent l’origine de certains comportements :
«Bien que les Batswa, c’est-à-dire pygmées, sont citoyens libres de la République démocratique du Congo à l’instar des Bantous (Baoto), les Baoto s’imposent politiquement et socialement aux Batwa comme Nkolo, terme qui signifie à la fois supérieur et maître dans le sens latin de “dominus” et qui relègue les Batwa en situation inférieure de serviteur et de client. Ils sont régis par un statut personnel coutumier qui diffère totalement de celui des Bantous. À l’origine de la vassalisation des Batwa, la légende “de la malédiction du fils aîné semble tout expliquer. Un ancêtre indéterminé avait deux fils. Après une journée de chasse, l’aîné omit de remettre au père les parties de viande qui lui revenaient en vertu de la coutume. Le père critiquait cette manière d’agir et le fils aîné s’excusait, mais continuait à contrevenir aux devoirs de la hiérarchie familiale coutumière. Le père maudit alors le fils aîné et donna tous les droits qui revenaient à l’aîné au frère cadet” (Elshout 1963: 50). D’après cette légende, le fils aîné maudit c’est un “pygmée” et le cadet à qui on a donné tous les droits, c’est un “Bantou”. Cette légende est répandue dans la mentalité populaire. Toutefois, cette légende n’est-elle pas une idéologie bantoue surtout quand on sait que l’idéologie qui domine une société des classes (et écrase éventuellement d’autres idéologies dès lors dominées) s’exerce au bénéfice ou au profit de la classe dominante, servant les intérêts de cette dernière, contribuant à la production de la domination: et cela tout simplement en justifiant les hommes d’occuper la position qu’ils occupent dans la structure de classes; position de dominant ou d’exploiteur… de dominés ou d’exploités. […]
Dans cette contrée on naît bantou ou “ twa”, on ne le devient pas. Ceci montre combien le passage d’une caste à une autre n’est pas possible, les “Twa” sont considérés comme “des enfants mineurs, irresponsables et capricieux”. Ainsi, ils n’ont pas droit au “losako”, c’està-dire à la salutation solennelle qu’on donne aux aînés, quel que soit leur âge. Au contraire, ils sont obligés de donner “losako” à tous les Bantous: femmes ou enfants, même ceux qui sont moins âgés qu’eux alors que dans la tradition de ces peuples, on ne donne généralement pas le “losako” à une femme. Ceci montre combien les pygmées sont considérés comme des éternels enfants. La mentalité “twa” est jugée primitive et son âme, celle d’esclave. Le manque quasi total de l’esprit préventif qui les conduit à vivre selon le principe “à chaque jour suffit sa peine”, leur dépendance aux Bantous, constituent aux yeux de ces derniers un élément important pour justifier la malédiction dont ils seraient victimes » (Iyeli 2009).
Cependant, l’hypothèse selon laquelle les Batswa du sud de l’Équateur ne seraient pas venus du nord en même temps que les Mongo reste crédible. Dans la région du sud, en effet, il y a des traces de chasseurs-cueilleurs exploitant la vaste contrée depuis le Lupembien. Certains Batswa actuels seraient donc à rattacher aux anciens chasseurs-cueilleurs du sud. Les envahisseurs bolia reconnaissent la présence antérieure des Pygmées au lac Mai-Ndombe ; ils étaient propriétaires des terres avant leur arrivée. Ils interviennent d’ailleurs jusqu’à nos jours dans l’intronisation des rois. La fondation du royaume des Bolia remonterait au XVIe siècle (Engowanga 1983). Depuis longtemps, d’ailleurs, les Batswa de la région des lacs ne vivaient plus isolés. Ils occupaient les confins des villages des Ekonda et ils servaient pour ainsi dire de remparts en cas d’attaques des villages par les voisins. Ils continuaient à vivre de la chasse tout en travaillant dans les champs des Ekonda (Nkanda 1977).
À lire : Situation des Pygmées en RD Congo
3. Évolution des relations entre les populations
Ce paragraphe décrit brièvement les relations qui ont existé entre les peuples de l’Équateur, pour dégager certains préjugés et certaines animosités qui persistent jusqu’à nos jours, mais aussi pour montrer la facilité d’intégration entre les différents groupes. Il sera question d’abord des relations internes entre les peuples des bassins de l’Ubangi, de la Ngiri et du fleuve Congo. Seront abordées ensuite les relations internes entre les Mongo, puis entre les Ngombe. Les derniers points porteront sur les relations entre les Riverains et les Terriens, renforcées à partir du grand commerce du fleuve.
3.1. Relations entre les Riverains de l’Ubangi, de la Ngiri et du fleuve Congo
Au moment de la mise en place, comme après la formation des sous-groupes ethniques, les Riverains gardent une large unité, malgré la diversité relative imposée par les différents milieux écologiques. Sur le plan linguistique, on constate que les Baloi de la basse Ngiri et du bas Ubangi sont plus attachés aux Bobangi, aux Banunu, aux Mpama et aux Losakani. Les Limbinza de la moyenne Ngiri se rapprochent des Balobo, des Mabale et des Boloki du fleuve. Les Iboko du fleuve sont à rattacher aux Mbonzi, aux Ndobo, aux Lobala et Likoka-Ntanda (Mumbanza 1974). Les Dzamba semblent constituer un bloc à part, malgré leur rapprochement avec les voisins Baloi et Lobala, Likoka-Ntanda, et sans doute aussi les Mbonzo dont ils seraient issus. Il faut aussi noter que chaque groupe approche facilement les groupes voisins.
Les relations les plus intenses sont d’ordre économique et social. Les Baloi et les Limbinza de la Ngiri vivent essentiellement de la pêche et de l’artisanat (poterie, forge, fabrication du sel végétal, etc.). Ils sont obligés de se procurer les produits des champs, la viande de chasse, l’huile de palme, le vin de palme et de raphia, les lianes, les fibres, etc., chez les Dzamba et les Likoka-Ntanda de la rive droite de la Ngiri. Chez les Mbonzi et les Balobo, ils acquièrent, en outre, de la viande de chasse, des pirogues epepe et minsale. Les marchés sont donc nombreux et réguliers sur les deux rives (Mumbanza 1980: 341-342). Deux villages spécialisés dans le métier de forgeron chez les Limbinza (Bongenye et Bobaka) fournissent à toutes les populations de la Ngiri les instruments destinés à l’agriculture, les engins de pêche, les armes de guerre et de chasse, les outils pour la fabrication des pirogues, les couteaux, les monnaies (mangeme et bikebe), les instruments de musique : le gong en fer (mokombe) et le grelot (wango) (Mumbanza 1980).
Les relations commerciales s’accompagnent de relations sociales. Hommes et femmes se lient d’amitié et fraternisent par échange de sang. Les Baloi et les Limbinza prennent femme chez les Dzamba et les Likoka-Ntanda, ils prennent aussi femme chez les Balobo et les Mbonzi; mais les mariages en sens inverse sont rares. Il semble que les femmes limbinza et baloi trouvaient accablants les travaux des champs et la fabrication de l’huile de palme dans les régions forestières. La même situation se présentait chez les Likoka-Ntanda qui prenaient les femmes chez les Lobala (Ngolo), et rarement le contraire. Les Ntanda disaient: «Mwana wa Ntanda takeke o Ngolo », ce qui veut dire «L’enfant (entendez la fille) des Ntanda ne va pas chez les Ngolo», car, au lieu de transporter sa charge dans la pirogue, elle sera obligée de la porter sur le dos. Les Dzamba des marais en disent autant des Mangba ou Dzamba de la chefferie Buburu, qui ne savent pas naviguer (Mumbanza 1980 : 376-378).
Ces différentes situations économiques donnèrent lieu à des préjugés qui persistent encore de nos jours. Les Limbinza, en particulier, avaient l’habitude de désigner les autres de façon péjorative comme «Bingonyonganyi bya Likoka, Biutunganyi bya Balobo, Bimwatanganyi bya Zamba». Ces expressions, souvent délicates à traduire, veulent tout simplement dire que les Likoka, les Balobo et les Dzamba n’ont pas la même valeur que les Baloi et les Limbinza ; ils sont à considérer comme des êtres inférieurs, à cause de leur habitat et des tâches détestables qu’ils exécutent. Les Boloki et les Iboko-Mabale du fleuve se considéraient aussi comme supérieurs aux Balobo, Mwe et Ndolo de l’entre Ngiri-Congo. Les Dzamba et les Likoka, eux, étaient fiers d’être plus forts au combat (mabita), comme à la lutte traditionnelle (mpongo) (Mumbanza 2008).
Les conflits armés ont toujours existé au sein des groupes ethniques et dans l’ensemble de la région. Les peuples de la rive droite de la Ngiri, les Ngili et les Likoka-Ntanda, attaquaient régulièrement les Limbinza de la moyenne Ngiri, les Balobo et les Mbonzi, ainsi que les Boloki et les Iboko du fleuve. Les Dzamba attaquaient aussi les Baloi de la basse Ngiri et les Mbonzi de l’entre Ngiri-Congo. Les peuples du fleuve, les Iboko et les Mabale, se battaient contre les Boloki (Mumbanza 1980 : 152).
3.2. Relations internes au sein des groupes Mongo et/ou entre les groupes Ngombe
Peu de commentaires sont nécessaires pour expliquer les relations internes entre les Mongo ou entre les Ngombe. Ces relations sont liées, d’une part, à l’unité linguistique qui facilite les contacts, d’autre part aux rapports sociaux entre les clans qui descendent des mêmes ancêtres. Les échanges commerciaux sont peu nombreux entre les groupes qui produisent presque les mêmes choses. Les relations sociales entre les communautés se renforcent grâce aux mariages, qui sont exogamiques. Les conflits armés opposent aussi bien les groupes Mongo entre eux que les groupes Ngombe entre eux. En témoigne le fait qu’ils se sont repoussés mutuellement avant d’occuper les terres qui sont les leurs aujourd’hui. Il existe aussi des alliances durables ou momentanées pour résister à un ennemi jugé plus fort.
3.3. Relations entre les Riverains et leurs voisins terriens
Les Riverains et les autres populations de l’Équateur entretiennent depuis longtemps des relations suivies pour des raisons économiques. Les Riverains et les Terriens ngombe du Nord-Est organisaient des marchés pour échanger les produits vivriers et artisanaux, voire même les matières premières, comme le minerai de fer. Dans le territoire de Mankanza, à Bobeka, à Lusengo et dans l’agglomération des Iboko-Mabale, les Riverains et les Ngombe partageaient les mêmes sites, avec tout ce que cela impliquait dans la vie politique et sociale (Coquilhat 1888). Les mêmes relations avaient lieu depuis le XVIIe siècle entre les Riverains et les Mongo terriens au sud. Collés sur les rives du fleuve, les Boloki, les Losakani, les Mpama, les Banunu et les Bobangi entretenaient des relations économiques avec leurs voisins nkundo, ntomba et ekonda. Sur la Lulonga, l’Ikelemba et la Ruki, les Riverains eleku et baenga organisaient également des marchés périodiques avec leurs voisins terriens, mongo et ngombe. Les relations économiques facilitaient les relations sociales, notamment les mariages et la fraternité par échange de sang (Mascart 1925 ; Lemaire 1926 ; voir aussi Harms 1987).
Les populations riveraines frontalières, notamment celles du fleuve, spécialisées dans le commerce, parlaient facilement les langues des voisins. Ces réalités se renforcèrent à partir de 1870, à l’époque du grand commerce du fleuve. Les Riverains d’aval retrouvèrent leurs frères restés en amont, tout en nouant de nouveaux contacts avec les Mongo et les Ngombe. Tous participèrent à ce commerce, qui toucha les populations du fleuve jusqu’à Bumba, au-delà de Lisala, les populations de l’Ubangi jusqu’au-delà du confluent de la Ngiri, les populations de la Ruki jusque vers Boende, les populations de la Lulonga jusqu’audelà de Basankusu. Ce fut de cette manière que les peuples de l’Équateur prirent part au commerce à longue distance. Les Riverains étaient de grands voyageurs, alors que les Terriens fournissaient les principaux produits (esclaves et ivoire), ainsi que les produits secondaires facilitant le commerce (les pirogues et les vivres). C’est pourquoi tous ces peuples ont contribué, à des niveaux différents, à la naissance et au développement du lingala, la langue commerciale du fleuve, devenue aujourd’hui l’une des quatre langues nationales du Congo (Mumbanza 1980: 477-482).
Les relations restèrent toujours plus ou moins tendues entre les Ngombe et les Mongo, en raison de la violence des combats qui les avaient opposés pendant plus d’un demi-siècle. Mais cela ne les empêcha pas de vivre en paix dans les territoires qu’ils partageaient depuis l’époque coloniale, à Bolomba comme à Basankusu. Ils seront ensuite largement représentés dans les milieux de travail: soldats de la Force publique, matelots dans la flotte fluviale congolaise, travailleurs dans les chantiers navals de Kinshasa. Ils y étaient tous étiquetés sous une même identité, l’identité bangala. Les Mongo et les Ngombe devinrent aussi, par la suite, majoritaires à Mbandaka, le chef-lieu de la province et du district de l’Équateur (Mumbanza 2008 : 87-104).
La longue communauté d’intérêts établie et garantie par le pouvoir colonial allait cependant subir un coup fatal pendant la Première République, lorsque les Mongo luttèrent pour établir leur propre province, celle de la Cuvette centrale. Les Ngombe, chassés de Coquilhatville, et les Riverains, plus ou moins tolérés, lutteront pour leur rattachement à la province du Moyen-Congo, dépendant de Lisala.
Références
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- De Boeck, L.B. 1953. Contribution à l’atlas linguistique du Congo. 60 mots dans les parlers du bassin du Haut-Congo. Bruxelles: Institut royal colonial belge («Mémoires de la classe des sciences morales et politiques », XXIX [1 à 5]).
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Chapitre 2 : Parlers
Les peuples de l’Équateur se classent, selon Jan Vansina, dans deux ensembles ou aires culturelles: les peuples de l’Itimbiri-Ngiri et les peuples de la Cuvette (Vansina 1966). Mais, dans la réalité, la ligne de démarcation est difficile à tracer. Les langues de ces peuples ont été étudiées, en ce qui concerne la Cuvette, par le R.P. Gustave Hulstaert et, en ce qui concerne la Ngiri, par le R.P. Louis de Boeck et par Motingea Mangulu (De Boeck 1953 ; Motingea 1990).
Selon le classement général de ces langues, elles se situent dans le Groupe Bantu, zone C (Atlas linguistique de l’Afrique centrale 1983). Dans ce chapitre, il ne s’agit pas de montrer les affinités, mais de faire un inventaire le plus exact possible des parlers de l’Équateur, afin d’en montrer à la fois la diversité et les regroupements que l’on peut opérer.
À part le lingala, dont l’origine se situe à Mankanza et Lisala, qui fut conçu par les missionnaires de Scheut et appelé, au départ, « langue commerciale », la situation du district de l’Équateur se présente schématiquement comme suit, du point de vue linguistique : les parlers mongo, les parlers ngombe et les parlers des Riverains.
1. Parlers mongo
Ils couvrent la plus grande partie du district de l’Équateur: la ville de Mbandaka, une grande partie du territoire de Basankusu, une grande partie du territoire de Bolomba, tout le territoire d’Ingende et tout le territoire de Bikoro. En réalité, le groupe mongo présente plusieurs sous-groupes, ce qui se répercute sur les types de parlers. Ci-après, la représentation générale des sous-groupes mongo :
• Les Mongo du territoire d’Ingende sont appelés « Nkundo ». Ils comprennent les sous-groupes suivants :
– dans le secteur Bokatola: les Bakaala, les Beloko, les Bongale, les Lifumba et les Bombwanja ; – dans le secteur Duali: les Bongili, les Bonkoso (Monkoso), les Wangata, les Iyonda et les Bombomba ;
– dans le secteur Eungu: les Besombo, les Boangi, les Boya et les Injolo. Tous les Nkundo parlent le lonkundo, même s’il existe des différences dialectales minimes. En dehors de ces groupes de «Terriens », il faut signaler la présence des «Riverains » Elinga, qui font partie de l’ethnie mongo.
• Les Mongo du territoire de Bolomba, connus sous le nom de «Mongo ea lolo» (Mongo d’amont), sont aussi appelés « Elanga » ou « Nkundo ». Ils comprennent les sous-groupes suivants :
– dans le secteur Losangania : les Bokala, les Bonyanga, les Lingoy et les Mpombo;
– dans le secteur Busira : les Waola, les Bolenge, les Bongandanga, les Ikengo et les Mongo. Le lomongo, ou lonkundo-mongo, comme langue unique à tous les Mongo, est une création des missionnaires, principalement ceux de la congrégation du Sacré-Cœur, qui l’ont forgée à partir des années 1930. Au départ de Bamania, ils l’imposèrent à tous, surtout grâce à la scolarisation et à l’évangélisation. Les agents de l’Administration et les missionnaires protestants installés à Bolenge, en aval de Mbandaka, firent la même chose. Mais loin des centres religieux et administratifs, une multitude de dialectes et parlers mongo se sont maintenus, en fonction de distinctions claniques, qui se caractérisent par de nombreux accents particuliers dans les parlers mongo, dont certains ont fini par être très éloignés de cette souche devenue centrale.
• Les Mongo du territoire de Basankusu
Dans l’espace de l’actuelle cité de Basankusu, n’étaient, à l’origine, considérés comme autochtones au sens strict que les Lisafa et les Baenga, les premiers à avoir été en contact avec les Européens dans la région.
Basankusu est le nom donné au groupement Bolongo-Boyela-Bompoma des Baenga. Les autres groupes (Nsongo, Lilangi, Waka, Bokeka et Bokakata) sont des autochtones mongo au sens de l’espace actuel du territoire de Basankusu (Lonkama 1990 : 365).
Les Mongo du territoire de Basankusu sont appelés «Mongo» par les Riverains baenga. Ce sont eux qui ont donné leur nom à l’ensemble de l’ethnie. D’une manière générale, ils sont considérés comme les Baseka Bongwalanga («descendants de Bongwalanga »). Ceux qui font partie de ce groupe sont : les Ekombe, les Lilangi, les Lifumba, les Bongilima, les Nsongo, les Ekoto, les Lisafa du secteur Basankusu, les Monjonjo, les Boeke, les Ntomba, les Buya, les Lifumba du secteur Waka-Bokeka.
Les Boendu, les Bolima, les Wala, les Boyela, les Lolungu, les Bokenda du secteur WakaBokeka et les Bomate du secteur Basankusu sont considérés comme les Baseka Mpetsi («descendants de Mpetsi »), apparentés aux Ntomba de Bongandanga. Les Mongo des territoires d’Ingende, de Bolomba et de Basankusu forment une unité remarquable en matière de traditions migratoires, de culture et de langue. Ils se disent originaires de la région de la Luwo (Maringa) et de la Lopori.
• Plusieurs autres groupes mongo vivent dans le district de la Tshuapa et dans le territoire de Bongandanga du district de la Mongala. Ils ont des parlers de portée locale, qui peuvent être présentés comme suit :
– dans le territoire d’Ikela : il existe deux grands foyers linguistiques (Bosenga Botong’a Engondoka 2002) :
- le longando : qui est parlé par les Yasanyama, les Lalia-Ngolu, les Bombole (Ngombe) et les Topoke ;
- le loyela : qui est parlé essentiellement par les Boyela et certaines populations habitant le chef-lieu du territoire.
– dans le territoire de Bokungu :
- le bosaka (subdivisé à son tour en lomondje, lonkole, lofoma, biambe, lolanda, lolingo et longelewa) ;
- l’iyanda : une variante du longando parlé par les Ngombe dans le secteur Lolaka.
– dans le territoire de Djolu: - le longando : parlé par les Yolota, Yaloola, Yailala et les habitants de Lingomo; - le lomongo et le yasola. – dans le territoire de Befale : - le lomongo : parlé dans les secteurs Befumbo, Lomako et une partie du secteur Duale par les Mondje, Elinga (Baenga), Ntomba, Songok’Elese ; - le longando : parlé par les Likongo, mais linguistiquement différent des autres mingando des territoires de Djolu et d’Ikela. – dans le territoire de Boende : - le lokutu, parlé par les Bakutu. C’est un dialecte lomongo qui a tendance à employer la consonne «R» à la place du «L». Or d’une manière générale, la lettre «R» n’existe pas en lomongo. Le lokutu est parlé dans le secteur Bolua, une partie du secteur Wini, dans les groupements Nkwe, Ngomb’Amuna et Ntombankole ; - le lomilenge : c’est une variante du lomongo, parlée par les Mbole du secteur Wini, plus précisément par les autres groupements qui forment le groupe Milenge, à savoir Nongelema, Itsike, Nongokwa et Nongongomo. Ce dialecte lomongo est un peu nasalisé ;
- le lokota : les Ekota (d’amont ou d’aval) (ngele ou likolo) dans le secteur Lofoy parlent à peu près de la même manière que les Elinga, les Lembeolo, les Ntomba et les Nsongelese du territoire de Befale.
– dans la partie est du secteur Wini, les groupements Boondo-Boene, Yongo-Yala et Yongo-Booli24 parlent un dialecte différent de celui des autres habitants du secteur, tandis que le groupement Boliangama parle le lomilenge.
– dans le territoire de Monkoto :
- le lomoma mpako est le dialecte parlé par les Imoma ;
- le lompenge est parlé par les Mpenge Ilonga et les Mpenge Kaaboko;
- le lompongo est parlé par les Mpongo.
2. Parlers ngombe
Dans le district de l’Équateur, les parlers ngombe sont pratiqués dans les territoires de Basankusu, de Bolomba et de Mankanza. Dans le présent ouvrage, consacré au district de l’Équateur, nous ne nous y attarderons cependant pas, le groupe ngombe ayant été largement étudié dans le volume précédent consacré à la Mongala, auquel nous invitons le lecteur à se référer.
3. Parlers des Riverains
Ceux-ci sont répandus dans les territoires de Bomongo, Mankanza et Lukolela. Ils sont aussi pratiqués par des groupes peu nombreux dans les territoires de Bolomba et d’Ingende. La situation détaillée dans les différents territoires est la suivante.
Dans la ville de Mbandaka, une multitude de langues sont parlées. À l’époque de la fondation de la ville étaient pratiqués les parlers des Nkundo (lonkundo), des Boloki et des Eleku (Riverains). En face, sur la rive droite du fleuve, le parler des Iboko était utilisé, à Bakanga et Bongata. Le commerce du fleuve avait introduit l’usage du bobangi (Riverain) à Makoli et Boloko wa Nsamba. Du fait de l’évolution de la ville, les groupes mongo se sont multipliés. Aux Nkundo se sont joints les Mbole, les Ekota, les Bakutu, les Mongando, les Ekonda, etc. Les missionnaires du Sacré-Cœur ont introduit une nouvelle langue, le lomongo commun ou lonkundo-mongo, utilisé à l’école et à l’église. Il est devenu la deuxième langue parlée par la population de Mbandaka. Le parler ngombe, ou lingombe, a fait son apparition dans la ville et se pratique surtout dans les quartiers Basoko, Ikongowasa, Mban-daka II et Bongondjo.
Depuis 1910, d’autres parlers riverains se sont implantés en grand nombre dans les périphéries de la ville. Il y a, d’un côté, les parlers des peuples de l’entre Congo-Ubangi (Bobangi, Baloi, Limbinza, Balobo, Dzamba, Likoka, Mwe, Mbonzi, Ndobo, Mampoko, Boloki, etc.). Ensuite, il y a celui des pêcheurs venus du haut fleuve (Lokele, Basoko et Topoke). L’ancienne langue commerciale, le bobangi, est devenue le lingala, qui s’est imposé comme première langue parlée par les populations de la ville de Mbandaka. Cependant, la présence du lomongo réduit l’espace linguistique du lingala dans le cheflieu de la province de l’Équateur.
Dans le territoire de Bikoro, on distingue trois principaux parlers mongo qui coexistent: le lomongo du groupe dit « Ngele ea Ntando », dans le secteur Elanga, le lonkonda dans le secteur Ekonda et le lontomba, dans le secteur Lac chez les Ntomba. Pour rappel, les Ekonda et les Ntomba n’ont pas adopté le lomongo commun. Chez les Ekonda, les missionnaires, qui évangélisèrent en même temps les Riverains de Lukolela, avaient choisi le lingala comme langue commune d’évangélisation et de scolarisation.
Dans le territoire d’Ingende, les parlers mongo sont les seuls utilisés.
Dans le secteur Bokatola, c’est le parler bokatola elinga ; dans le secteur Duali, c’est le parler bombwanza igonda et, enfin, dans le secteur Eungu, c’est le parler eungu imbonga. Les populations du territoire d’Ingende utilisent soit les parlers cités ci-dessus, soit le lomongo commun pour communiquer avec les voisins et les étrangers. Les Baenga de la Ruki en général et les Boloki en particulier qui, au début de la colonisation, parlaient un idiome spécifique l’ont totalement abandonné au profit du lomongo. Le lingala y a également pénétré depuis l’époque coloniale.
Dans le territoire de Basankusu, deux principales langues se partagent l’espace du territoire : le lingombe et le lomongo. Les parlers mongo occupent deux secteurs: le secteur Basankusu, à l’ouest, et le secteur Waka-Bokeka, au sud-est. Les parlers ngombe se rencontrent dans le secteur Gombalo, au nord-est du territoire. Les deux langues sont utilisées dans le territoire où beaucoup de personnes sont bilingues. Langue commerciale du fleuve, avant la colonisation, le lingala y a fait également son introduction, depuis l’époque coloniale.
Dans le territoire de Bolomba, deux langues principales se partagent ce territoire, le lomongo et le lingombe, auxquels s’ajoutent les parlers riverains minoritaires. Les parlers ngombe qui englobent les Doko sont implantés dans les secteurs Mampoko, Bolomba et dans la chefferie Dianga. Les parlers mongo couvrent les secteurs Losangania et Busira. Le parler mongo de Losangania s’appelle « mongo ea lolo » et celui de Busira s’appelle « bosela ». À noter que le territoire de Bolomba renferme quelques minorités de Riverains de la basse Lulonga et du bas Ikelemba qui ne font pas partie des parlers mongo et ngombe ; il s’agit du parler eleku et boloki du groupe Bolombo. En 1927, ils constituaient une chefferie à part et ne dépendaient pas de grands voisins. En plus des deux grandes langues mentionnées plus haut, les peuples de Bolomba font usage du lingala, depuis la colonisation, comme ils utilisaient partiellement le kibangi, langue commerciale du fleuve, avant la colonisation.
Le territoire de Bomongo est l’entité qui connaît le plus grand nombre de parlers, malgré sa faible densité démographique. Dans la forêt, entre la rivière Ubangi et la rivière Ngiri, l’actuel secteur Dzamba regroupe deux grands ensembles. Il y a d’abord, au Nord, les Lobala et les Likoka, connus également sous les noms de Ngolo et Ntanda. Au Sud, se pratiquent les parlers dzamba (qui comprennent les Makutu, Mangba et Bamampanga). Entre les deux, à savoir ceux que l’on appelle Lobala III, forment une zone de transition entre les Lobala-Likoka et les Dzamba.
Certains parlers comme ceux des Nkoko et des Bokwe, encore importants au début de la pénétration européenne, ont disparu pratiquement, aux environs de 1970. Seul le parler du village Mbonzi représente la longue chaîne qui rattachait tous ces groupes aux Mbonzi de l’entre Ngiri-Congo. Sur l’Ubangi, en aval des Mangba, existe le parler de Mobodja.
Le long de la Ngiri, dans le secteur Ngiri, les parlers limbinza sont utilisés en amont, et les parlers baloi en aval. Les parlers limbinza ont absorbé quelques groupements Balobo et Mbonzi qui ont quitté la forêt de l’entre Ngiri-Congo. Les parlers baloi regroupent les Vengele et les Likila. Ils ont, eux aussi, absorbé les parlers des Mbonzi, Mampoko et Bokongo, qui ont quitté la forêt entre le fleuve Congo et la Ngiri. Le long du bas Ubangi, en aval de la Ngiri, sont pratiqués les parlers baloi et bobangi.
Dans le territoire de Bomongo, malgré leur diversité apparente, ces parlers ne représentent, en fait, que quatre grands ensembles d’idiomes: lobalalikoka, dzamba-makutu, limbinza, baloi-bobangi. Chacun peut utiliser son parler et se faire comprendre par les autres.
Depuis la période coloniale, le lingala, l’ancienne langue commerciale du fleuve, à la formation de laquelle les peuples de cette région avaient contribué, devint la principale langue de liaison entre ces groupes et avec les étrangers. Le lingala connut partout une large diffusion, pour des raisons à la fois religieuses, scolaires, commerciales et administratives.
Dans le territoire de Mankanza, existe également un grand nombre de parlers. La situation linguistique dans ce territoire reste complémentaire à celle du territoire de Bomongo. Les parlers les plus importants sont à rattacher à ceux des Limbinza et des Mbonzi de la Ngiri. Dans la forêt de l’entre Ngiri-Congo, se pratiquent les parlers mbonzi, ndobo, mabale, mbenga et balobo. Le long du fleuve, sont utilisés les parlers boloki, mabale, iboko, lusengo et ngombe. Les rapprochements linguistiques réduisent le nombre des parlers à trois principaux groupes: mbonzindobo-iboko, mabale-balobo-boloki, et ngombe. Le parler ngombe (ou lingombe) de Mankanza est à rattacher aux autres parlers ngombe de Budjala, Lisala, Bongandanga, Bolomba et Basankusu.
À la suite d’une confusion due à Henry Morton Stanley en 1877, les Européens considérèrent les parlers iboko, mabale et boloki comme des parlers bangala (au sens restreint du mot), bien qu’ils reconnussent leur spécificité. Les Iboko avaient d’ailleurs adopté une formule mixte Mangala ma Liboko. Le nouveau nom finit par être attribué à l’ancienne langue commerciale du fleuve, qui porta alors le nom de lingala, au lieu de kibangi. C’est aux parlers de Mankanza que l’on attribua la paternité du lingala littéraire ou classique, parce que les missionnaires de Scheut l’avaient fixée sur base de leurs formes grammaticales. On parla alors de lingala lya Man-kanza (« lingala grammatical »). C’est le père Égide De Boeck, futur évêque de Nouvelle-Anvers/ Lisala qui fut le principal artisan du lingala grammatical. Il y travailla de 1902 jusqu’à sa mort, en 1942 (Mumbanza 1980 : 477-491). Utilisé pour l’enseignement à la colonie scolaire puis à l’école primaire, dans l’ancien vicariat de Nouvelle-Anvers/Lisala, pour l’évangélisation (cf. infra), l’Administration et le commerce, le lingala devint la principale langue de communication dans le district des Bangala et à Léopoldville. Il fut aussi adopté comme langue de la Force publique, étant donné que les premiers soldats congolais étaient originaires de Mankanza et des environs; ils furent recrutés le 14 juillet 1885 par Camille Coquilhat. Leur nombre, qui augmenta rapidement, fut renforcé avec les jeunes esclaves libérés, formés à la colonie scolaire pendant plus de dix ans (Coquilhat 1888 : 352-353 ; Mumbanza 1976). Dans les camps militaires d’Irebu, Yumbi, Umangi et Lisala, les soldats ne parlèrent plus que le lingala. Le nombre élevé des travailleurs venant du haut fleuve (dans les navires et dans le chantier naval de Kinshasa) fut à l’origine de l’implantation et de la domination du lingala dans la capitale congolaise. Le même phénomène se développa du côté de Brazzaville, sur la rive droite du fleuve Congo.
Par la suite, le lingala devint non seulement une des quatre langues nationales, mais aussi une langue internationale africaine. Il est parlé en République du Congo (Brazzaville), en République centrafricaine et même en Angola.
Dans le territoire de Lukolela, existent trois parlers principaux : le losakani, le banunu et le kimpama. Ceux-ci correspondent aux trois secteurs administratifs, à savoir: Losakani au nord, Mpama au centre et Banunu au sud. Ces parlers se rattachent à ceux des Riverains de Bomongo et de Mankanza, leur berceau d’origine. La proximité avec les Ntomba et les Ekonda n’a pas fait disparaître diverses affinités avec les Bobangi et les Baloi de la Ngiri (Harms 1987).
À l’époque du grand commerce, ces Riverains du moyen fleuve utilisaient largement la langue commune du fleuve à côté de leurs propres parlers. Depuis la période coloniale, et jusqu’à nos jours, ils ont adopté le lingala pour les contacts avec les Européens et les autres étrangers.
Références
- Atlas linguistique de l’Afrique centrale. 1983. Paris- Yaounde : ACCT-CERDOTOLA & DGRST.
- Bosenga Botong’a Engondoka, J.D. 2002. «Histoire du territoire d’Ikela ». Mémoire, inédit. Mbandaka : ISP.
- Coquilhat, C. 1888. Sur le Haut-Congo. Paris : Lebègue & Co.
- De Boeck, L.B. 1953. Contribution à l’atlas linguistique du Congo. 60 mots dans les parlers du bassin du Haut-Congo. Bruxelles: Institut royal colonial belge («Mémoires de la classe des sciences morales et politiques », XXIX [1 à 5]).
- Donzo Bunza Yugia. 2015. «Langues bantoues de l’entre Congo-Ubangi (RDC). Documentation, reconstruction, classification et contacts avec les langues oubanguiennes ». Thèse de doctorat, Bruxelles et Gand: ULB et Unigand.
- Harms, R. 1987. Games against the Nature : An Eco-Cultural History of the Nunu of Equatorial Africa. Cambridge : University Press.
- Lonkama Ekonyo, B. 1990. Éléments pour une ethnohistoire de Basankusu (Équateur, Zaïre). En marge d’un centenaire (1890-1990) ». Annales Æquatoria 11 : 365-408.
- Motingea Mangulu. 1990. Parlers des Riverains de l’entre Ubangi-Zaïre : éléments de structure grammaticale. Collection «Études Æquatoria », n° 8. Bamania : Centre Aequatoria.
- Mumbanza mwa Bawele, J.E. 1976. «Les établissements d’enseignement public à l’époque de l’EIC. La colonie scolaire de Nouvelle-Anvers (1892-1913) ». Études d’histoire africaine VIII: 87-121.
- Mumbanza mwa Bawele, J.E. 1980. «Histoire des peuples riverains de l’entre Zaïre-Ubangi. Évolution sociale et économique (ca 1700-1930) ». Thèse de doctorat en histoire, vol. I. Lubumbashi: UNAZA.
- Vansina, J. 1966. Introduction à l’ethnographie du Congo. Kinshasa : Éditions universitaires du Congo.
Chapitre 3 : Art et artisanat
Les peuples de l’Équateur, comme les autres peuples de la forêt, disposaient de nombreux matériaux pour pratiquer l’artisanat et produire des objets usuels: le bois, l’argile, les fibres, les lianes, les minerais, etc. Les produits ainsi obtenus semblaient couvrir tous les besoins et étaient d’une grande qualité. En matière d’artisanat, nous passerons en revue les activités de la forge, de la poterie, de la vannerie, de la tannerie et de la boissellerie. En ce qui concerne l’art, il y a lieu de constater que les œuvres plastiques sont rares dans le district de l’Équateur, où des groupes entiers ignoraient les statues en bois et en terre, les masques, etc. L’art s’y exprimait davantage dans la décoration des objets usuels, les arts corporels, les chansons et les danses.
1. Artisanat
L’exploitation rationnelle de la forêt équatoriale a commencé avec la production des outils en fer. Cette production date, estime Jérôme Mumbanza s’appuyant sur les enquêtes et différentes études menées sur la région, de deux mille ans avant Jésus-Christ. Depuis cette époque, chaque groupe essaie de localiser les gisements de fer, d’extraire et de fondre le minerai, puis de forger un ensemble d’objets utiles à la production dans divers secteurs: agriculture, chasse, pêche, travail du bois, etc.
À la fin du XIXe siècle, les Ngombe du nord comme ceux du sud du fleuve comptaient parmi les grands producteurs de fer et d’outils en fer. La région de Bokombe et de Likungu était reconnue pour le travail de la forge parmi les Ngombe du Sud (Coquilhat 1888: 248-249). Les Ngombe de la Lulonga (région de Basankusu) produisaient et vendaient le minerai de fer aux riverains du fleuve et ceux-ci le transmettaient jusque chez les forgerons limbinza de la Ngiri (Mumbanza 1980b). Les Mongo produisaient aussi des anneaux de cuivre, appelés «nkonga », qui servaient de monnaie de dot lors de mariages.
Chez les Kutu et les Ekota du territoire de Boende, les ikiyaka (jambières de cuivre) devinrent la monnaie la plus couramment employée pour le paiement de la dot (une douzaine de jambières en moyenne). Seules les femmes mariées avaient le droit de les porter. Elles se garnissaient les chevilles d’un bourrelet pour éviter les blessures. Ces parures, dont le poids dépassait souvent 6 kilos, ne les empêchaient pas de se livrer à leurs danses traditionnelles ni d’effectuer quotidiennement des marches. Mais lors qu’elles les enlevaient, après quelques mois, elles devaient se réadapter à la marche normale, le port des ikiyaka ayant déplacé le centre de gravité du corps.
Les Limbinza de la Ngiri comptaient également parmi les peuples forgerons. Les villages Bongenye et Bobaka produisaient des outils en fer pour les peuples de la vallée. Sur l’Ubangi, les forgerons connus étaient les Bondongo, dans l’actuelle localité de Dongo. Ils servaient toute la contrée des Lobala de Kungu et de Bomongo.
Si on ignore tout des techniques de prospection pour la découverte du fer, on sait que l’extraction se faisait à ciel ouvert et que la fonte ne nécessitait pas de haut fourneau. En effet, le bois dur de la forêt dense permettait d’entretenir un feu intense grâce à des soufflets (Mumbanza 1995).
Les forgerons fabriquaient les outils destinés aux travaux des champs (couteaux, haches, houes), les engins de pêche (fourches, foënes, harpons), les armes pour la chasse et pour la guerre (lances, couteaux), les outils pour travailler le bois (couteaux, haches, ciseaux et herminettes), les instruments de musique (gongs métalliques simples ou doubles, grelots), les couteaux pour la cuisine, les instruments de toilette (les lames pour se raser ou pour faire les scarifications, les bijoux, les colliers, les bracelets, les jambières), les aiguilles pour coudre les peaux lors de la fabrication des chapeaux, les tambours, etc. Ils fabriquaient aussi les outils pour la forge (marteau et enclume) et les monnaies en fer et en cuivre. Les forgerons limbinza, par exemple, produisaient, comme monnaie, les couteaux appelés «mangeme » et «makona » ainsi que les «nkwa » (Mumbanza 1980b; Mumbanza 1995). Les monnaies du fleuve comprenaient, au XIXe siècle, surtout des barres (lingots) de cuivre (minzanga) provenant de Manyanga, dans le Bas-Congo, que l’on transformait en petites bagues (minkata) (Coquilhat 1888 : 324-325).
En raison de cette production qu’ils fournissaient à la communauté, les forgerons occupaient une place importante dans l’échelle sociale. Leur métier était d’ailleurs lié à une puissance spirituelle, aux esprits puissants.
Le bois permettait aux peuples de l’Équateur de fabriquer les sièges, les boucliers et les manches des lances destinés à la guerre, les mortiers et les pilons, sans oublier les cuillers, les gobelets et les plats pour la cuisine, les tam-tams, les tambours et les gongs en bois pour la musique et pour la transmission des messages, les cercueils, les manches des couteaux, des houes et des haches, les pipes, les xylophones, et, surtout, les pirogues et les pagaies, chez les Riverains. La navigation dans la cuvette congolaise, comme ailleurs en Afrique, est ancienne ; elle remonte à la dernière période pluviale (-10 000 ans). Les pirogues monoxyles qui constituent encore de nos jours les instruments essentiels de déplacement, de pêche et de commerce ne sont cependant apparues qu’avec l’usage du fer.
Si, en principe, depuis deux mille ans avant JésusChrist, chaque groupe riverain s’essaya à produire ses embarcations, certains peuples de la forêt se spécialisèrent néanmoins dans la fabrication de pirogues, qu’ils vendaient aux autres riverains. Dans le bassin de la Ngiri, les Mbonzi, les Bokongo et les Balobo fabriquaient de petites pirogues (minsale et epepe) et les vendaient aux Baloi-Limbinza. Le long du fleuve, dans la contrée des Bobangi, les pirogues étaient surtout fabriquées par les Banunu.
Les Ngombe, qui venaient d’occuper la région forestière au sud du fleuve et qui ne savaient pas naviguer, devinrent, à partir des années 1850, les principaux fabricants de pirogues. C’étaient eux qui fabriquaient les grandes pirogues pouvant transporter jusqu’à quatre tonnes d’ivoire ou d’autres marchandises. Celles-ci constituèrent la plus grande flotte commerciale du bassin du Congo, au milieu du XIXe siècle (Mumbanza 1997).
Les grandes pirogues furent abandonnées dès la fin du commerce à longue distance (1890). Actuellement, les Ngombe de Bolomba et de Basankusu produisent encore la plupart des pirogues qui circulent sur le moyen fleuve. Les riverains de la Ruki et du lac Ntomba fabriquent eux-mêmes les pirogues dont ils ont besoin.
En ce qui concerne la forme des pirogues, celles qui circulent depuis Lisala jusqu’au Pool Malebo sont assez semblables. À ce propos, on peut lire chez Coquilhat: «Les embarcations des Ba-Ngala n’ont pas de plate-forme à l’avant ni à l’arrière comme celles des Stanley-Falls; elles sont terminées en pointes effilées, sont très gracieuses et peu différentes de celles des Bayanzi [entendez Bobangi] » (Coquilhat 1888 : 368).
La fabrication de pirogues incluait celle des pagaies, qui se présentaient sous différents modèles. Chez les Iboko de Mankanza, Camille Coquilhat les décrit de la manière suivante : «La pagaie est une palette étroite de dix à douze centimètres et longue de quarante centimètres. Le manche, très long, est souvent orné de lames de laiton enroulées » (Coquilhat 1888 : 368).
Le métier de fabricant de pirogues et de pagaies demandait un long apprentissage, qui se faisait dans des campements ou des lieux de construction; les jeunes étaient encadrés par des adultes qui les guidaient à chaque étape, depuis le choix du bois jusqu’aux travaux de finissage, en passant par l’ébauche de la pirogue. C’est ainsi que l’art se transmettait de génération en génération.
Les gongs en bois, les tambours, les tam-tams, etc., n’étaient pas fabriqués en grandes quantités et ne faisaient pas, à proprement parler, l’objet d’un commerce. Les spécialistes de chaque village en fabriquaient pour les notables, qui les utilisaient lors d’événements exceptionnels. Les nganga (devinsguérisseurs) en possédaient aussi pour assurer la pratique de leur métier. Comme ils duraient longtemps, leur production n’était pas régulière. À l’époque coloniale, les chefs-lieux de chefferies et les postes missionnaires possédaient également des gongs pour la communication de messages et l’indication des heures pour diverses activités.
La fabrication des boucliers était très répandue à l’époque pré-coloniale, compte tenu des nombreuses guerres qui opposaient les différents peuples. Chaque homme adulte valide et même chaque adolescent devaient en posséder un, comme arme défensive. Afin d’assurer la solidité du bouclier, le bois utilisé pour leur fabrication, souvent léger, était entouré d’une couche de lianes posées avec art pour décorer et pour faciliter son maniement. La pacification du pays mit définitivement fin à cette activité de constructeurs de boucliers.
Bouclier en vannerie chez les Mpama de Lukolela. (EO.0.0.1670, collection MRAC Tervuren; photo J. Van de Vyver, © MRAC Tervuren.)
La poterie, qui remplissait plusieurs rôles, était une activité féminine. Elle se pratiquait essentiellement dans les régions riveraines. Ainsi les femmes du fleuve, celles de l’Ubangi et de la Ngiri, celles de Lulonga, de l’Ikelemba et de la Ruki, sans oublier celles du lac Ntomba, savaient fabriquer les pots. Les plus vieilles poteries datant de trois mille ans avant Jésus-Christ ont été trouvées sur la Momboyo, un affluent de la Ruki (Mumbanza 1995 : 259-305). Les potières fabriquaient les grandes et les petites marmites servant à la cuisson des aliments, les pots spéciaux pour servir les repas, les jarres destinées à conserver et transporter l’huile, les boissons, l’eau, les vases trilobés (genres de braseros) qui transportaient du feu dans les pirogues, très utiles pour les voyages, les gobelets, les bilubu ou petits pots affectés à la garde des fétiches. D’autres pots servaient à la fabrication du sel végétal; ils étaient utilisés pour chauffer le liquide salé et obtenir le dépôt du sel.
Ces objets fragiles étaient continuellement demandés et échangés dans les marchés. Leur production répondait aux besoins locaux, mais, aussi, à ceux des voisins. La saison sèche facilitait la recherche du limon ou de l’argile et favorisait l’augmentation de la production. Les stocks non vendus pouvaient ensuite être écoulés progressivement. Divers produits manufacturés d’origine européenne et asiatique furent à l’origine du déclin de cette activité. Dans les années 1950, certains centres réputés pour la production de la poterie étaient encore très actifs (Mumbanza 1995). Comparée à la poterie du Nil ou à celle du Bas-Congo, celle de l’Équateur était pauvrement décorée : elle n’était pas peinte, mais ornée de dessins faits au moyen de poinçons spéciaux.
La tannerie était pratiquée à l’époque pré-coloniale. Les peaux des animaux entraient dans l’habillement (la peau de léopard pour couvrir la poitrine et la tête du chef, la peau des singes et des chèvres pour les bonnets, la peau d’éléphant pour les cuirasses, surtout chez certains peuples de la Ngiri, la peau d’antilope rayée et la peau de buffle pour les ceintures ou les baudriers). D’autres peaux entraient dans la fabrication des sacs des chasseurs, des tam-tams, des fourreaux de couteaux. La peau de l’éléphant ou de l’hippopotame servait aussi à couvrir les boucliers afin qu’il soit plus difficile de les percer avec une lance.
En 1931, dans une étude réalisée chez les Mpama de Lukolela, Reynaert décrit ainsi les techniques utilisées :
«L’indigène ne prépare pas ses peaux de chasse. Celles-ci, après avoir été débarrassées des graisses et des chairs qui y adhèrent, sont exposées au soleil pendant plusieurs jours. Il n’existe aucun procédé de tannage ; les peaux, à l’exception de celles des gongs, ne sont même pas débarrassées des poils. Les peaux souples, telles que celles des léopards, des loutres, etc. sont employées dans le vêtement. Pour cet usage, elles ne sont même pas découpées. L’indigène emploie également les peaux dans la confection de gaines de couteaux et principalement dans l’emballage des nkisi qu’il se procure chez le sorcier. Les peaux plus dures servent de siège dans les chaises longues pliantes. Coupées en lanières, elles font office de ceinture, sont coupées et cousues en forme de sacoche […] » (Reynaert 1931: 28).
La vannerie représente un autre secteur important de l’artisanat. Les femmes utilisaient les lianes pour la fabrication de gros et de petits paniers destinés à conserver ou à transporter les produits. D’autres paniers étaient utilisés pour servir les plats à table ou comme berceaux des enfants. D’autres encore servaient à la pêche, dans les eaux peu profondes. Les plus fins qui ne laissaient pas passer d’eau convenaient pour l’écopage des étangs.
Les nattes, qui constituaient un élément important de la literie, étaient fabriquées avec les lames de ngongo (matoko) ou avec les bandes ou lattes tirées des palmiers bambous (nkala). Chez les Riverains de la Ngiri et chez les Mpama du fleuve, les nattes étaient faites par les femmes; chez les Ngombe par contre, elles étaient faites par les hommes (Reynaert 1931 : 49). Les matières premières pour fabriquer les matoko étant rares dans certaines régions, celles-ci faisaient l’objet d’échanges dans les marchés. Les nkala étaient surtout pratiques pour voyager en pirogue ; elles servaient également à couvrir les marchandises et à construire des tentes provisoires.
La production de nasses rigides et souples pour la pêche se faisait en famille ; les hommes comme les femmes y participaient, depuis la recherche des matières premières jusqu’au finissage des ouvrages. Les hommes étaient spécialisés dans la confection de grandes nasses souples (poso ou biketo) et rigides (mileke). Les femmes construisaient les nasses à clapet (bisoko) et les petites nasses souples (mingondo), ainsi que les paniers-cloches (yika).
Les filets pour la pêche et la chasse étaient fabriqués par tous les groupes, y compris les Batswa. Les fibres de lianes (surtout le nkosa) et de certains arbustes étaient utilisées pour leur confection et pour étendre les filets. Pour la chasse comme pour la pêche, il existait plusieurs sortes de filets. C’était un métier essentiellement masculin, les femmes intervenant au niveau de la recherche des fibres et de la production des fils. Généralement, chaque famille produisait les filets nécessaires à ses activités. Certains peuples, comme les Baloi et les Limbinza, n’ayant pas directement accès aux fibres, ils les achetaient chez les peuples de la forêt. En raison de la forte demande, les fibres de nkosa comptaient parmi les produits les plus échangés dans les marchés chez les Dzamba, les Likoka et les Balobo.
Le tissage, très répandu dans la savane au sud de la forêt, était ignoré chez beaucoup de peuples de l’Équateur. Les peuples riverains de l’entre Congo-Ubangi et les Mongo de la cuvette utilisaient les fibres de raphia et de quelques arbustes pour réaliser des jupes en franges pour l’habillement des femmes, mais ils ne confectionnaient pas de tissus. Reynaert signale cependant la pratique du tissage des fibres de raphia chez les Mpama (appelés aussi « Bakutu », cf. supra) de Lukolela (Reynaert 1931). Cette pratique aurait été empruntée aux Bateke du Sud avec lesquels les Mpama et les Bobangi avaient été en contact pendant près de deux siècles. La présence du palmier raphia dans cette région peut être une autre explication, car il fait généralement défaut dans la cuvette.
Avec l’introduction des produits manufacturés, à partir de la fin du XIXe siècle, l’artisanat périclita de façon de plus en plus importante. Il se pratiquait encore à petite échelle et se maintint uniquement pour les produits que l’Europe ne pouvait fournir. Ainsi, la fabrication des pirogues ne connut-elle aucune diminution et se poursuivit-elle encore longtemps. Il en est de même pour la fabrication des nasses et des paniers de pêche. Les filets de pêche ne se font, cependant, plus avec les fils traditionnels. Au début des années 1960, ils se faisaient encore avec du fil nylon, mais de nos jours, on utilise les filets importés d’Europe et d’Asie. La forge, qui se maintient à certains endroits pour produire les objets ignorés par l’industrie (lances et foënes par exemple), n’utilise plus le fer local, mais des barres de fer importées. La vannerie continue partout, avec la fabrication de nattes et de paniers. La poterie, qui était encore largement produite à la fin des années 1950, a fortement diminué et a même disparu dans certains endroits.
2. Art
Ainsi qu’évoqué plus haut, le district de l’Équateur, comme celui de la Mongala, compte parmi les régions congolaises ayant produit le moins d’œuvres d’art aujourd’hui étudiées. Il existe, certes, des statuaires en bois, en argile ou en fer, mais pas de masques mortuaires ou autres pour la danse. L’ivoire n’a guère servi à la fabrication d’œuvres d’art; il a plutôt servi à fabriquer des trompes et des objets de parure : bracelets, jambières et épingles à cheveux.
L’art était pourtant présent dans une grande partie de la production artisanale. La plupart des objets forgés, comme les lances, les couteaux, étaient, en effet, décorés. Les instruments en bois, comme les pirogues, les gongs, les sièges, étaient magnifiquement parés de divers motifs géométriques (losanges), voire d’animaux, comme des reptiles. Les boucliers, les nattes et certains paniers présentaient également des dessins décoratifs. Les pagaies et les manches des lances et des couteaux étaient ornés de fils de cuivre (Coquilhat 1888).
L’art du corps comportait les tatouages corporels (sur le front et le nez, les tempes, la poitrine, le ventre et les bras) et le limage ou l’arrachement des dents, sans oublier les tresses des cheveux pour les hommes et pour les femmes.
S’agissant des tatouages, considérés comme des marques tribales, malgré des influences réciproques, nous n’en présenterons que quelques éléments, observés au milieu du XIXe siècle.
Reynart (1931) donne la description suivante des tatouages chez les Mpama de Lukolela :
Par cicatrisation de coupures le Pama se fait sur la face des motifs ornementaux. La cicatrisation ou mbali comprend les undende, les [ikolela], les montungu, les asombola, les [nsungulu minga], les akomba et les atanunsoso. L’undende est le tatouage fait au milieu du front; depuis les cheveux jusqu’à la naissance du nez entre les deux sourcils. Il est composé de quantités de petits traits horizontaux larges d’un centimètre, parallèles et superposés en une colonne très régulière. La cicatrisation de ces plaies forme de petits renflements qui atteignent quelques fois la forme ronde. Les ikolela sont taillés entre l’œil et l’oreille, sous les favoris. Les ikolela sont souvent formés de quantités de sillons faits dans tout sens lors d’une saignée pour guérir les maux de tête. Certains ikolela se composent de quatre rangées parallèles de traits horizontaux longs d’un centimètre. Chez les femmes principalement, les ikolela ont une forme régulière. Les plaies sont faites en deux arêtes de poisson parallèles et leur cicatrisation fait un beau motif de palme stylisé.
Le [untungu] est une cicatrisation faite sur la poitrine et le ventre ; partant de la naissance des clavicules jusqu’au nombril. Ce montungu est constitué d’une série de traits obliques disposés en forme d’arêtes de poisson parallèles et verticales. Le montungu est exclusivement réservé aux femmes, de même que les asombola, les [nsungulu minga], les akomba et les atanunsoso. L’asombola a le même motif que le montungu, mais il est coupé horizontalement sur le ventre, de part et d’autre du nombril. Le [nsungulu minga] est composé de quatre rangs verticaux et parallèles de petites coupures verticales longues d’un centimètre faites sur l’épaule, à la naissance du bras.
L’akombu est une cicatrisation semblable au [nsungulu minga] faite sur chaque fesse. Atanunsoso est le terme générique désignant toutes les cicatrisations de fantaisie. Les femmes portent sur la poitrine et le ventre quantité de petits traits verticaux qui ont nom d’atanunsoso. Une des formes les plus jolies de rayons, est située symétriquement quatre par quatre au-dessus et dessous de ce point » (Reynaert 1931: 31-3226).
Chapitre 4 : Musiques et danses
Introduction
Malgré le caractère composite des peuples du district de l’Équateur, les contacts entre eux ont permis un certain rapprochement des structures. Même si les appellations restent variées, il y a des ressemblances entre les fables, les folklores et les danses, voire entre les légendes qui parfois accompagnent ceux-ci. Chez les Mpama de Lukolela, par exemple, le folklore repose sur les quelques danses suivantes :
– ukuka : danse populaire à la fois pour les circonstances de joie ou de deuil;
– olima : danse à la naissance ou à la mort de jumeaux ;
– zebola (cf. infra) : danse occasionnelle lors d’une maladie provoquée par les esprits; elle serait d’origine mongo; – mpombo : danse pour chasser les mauvais esprits; elle serait d’origine mbelo ou sengele ;
– okondi-okondi: danse des chefs et notables exhibée lors des manifestations chez le chef ou un dignitaire (riche) ;
– ibenga : annonce du deuil ou de la mort par le tambour;
– etc.
Seuls l’ukuka et l’olima s’exercent encore de nos jours. Les autres danses deviennent de plus en plus rares.
Les danses des peuples de l’Équateur appartiennent aux « systèmes musicaux d’Afrique subsaharienne », et se présentent également, selon Sinha Arom (1988), comme suit :
a) n’ayant pas recours à l’écriture, leur transmission s’effectue par voie orale ;
b) populaires, elles sont dépourvues de canons explicites;
c) collectives, elles appartiennent à la communauté tout entière qui est la garante de leur pérennité ;
d) anonymes et sans date, on ignore souvent qui les a créées et quand elles ont été reçues;
e) fonctionnelles – ou plus précisément circonstanciées –, elles ne sont pas destinées à une quelconque utilisation en dehors de leur contexte socioculturel.
Les principaux instruments musicaux en usage sont d’abord le tam-tam, puis les harpes (boyeke), esanjo, ntombe lokombi, les xylophones, les gongs (lokole, elonja), les sonnettes en fer ou en bois, les tambours, le likembe, le longombe, les flûtes en bois, etc. Ils accompagnent les chanteurs et les danseurs en toutes circonstances socioculturelles (malheur, joie, guerre…).
1. Musiques et danses des Nkundo-Mongo
Gustave Hulstaert (1984 : 31), pionnier des études sur les peuples mongo, s’est penché sur les performances de ces peuples en ce qui concerne l’art musical. Il estime que l’art des Nkundo-Mongo « a atteint un épanouissement extraordinaire, jusqu’à l’éclosion d’une véritable polyphonie jointe à une polyrythmie compliquée ». Les constats sur le terrain en attestent, comme l’illustrent les données suivantes.
1.1. Le jebola : une maladie, un rite, une danse (musique) endiablée
Globalement, le jebola (dit aussi zebola) est un rite de guérison qui a son origine chez les Eleku et qui s’est répandu chez les Mongo. Les personnes concernées en parlent souvent en termes, à la fois, de maladie provoquée par les esprits maléfiques et de danse s’exécutant publiquement au son de musiques spécifiques, à la fin du traitement imposé aux sujets malades. Ellen Corin (1976 : 42) en donne l’éclairage suivant: « le cœur du traitement jebola est l’apprentissage de la danse des esprits dont l’exécution en public constituera le couronnement de la thérapie jebola ».
1.1.1. Une danse pour femmes
L’étude de référence consacrée à cette danse-thérapie, menée par les chercheurs du Centre Æquatoria de Bamania (situé à 10 km de Mbandaka), fournit des détails qui y sont relatifs: « la maladie jebola s’attaque presque exclusivement aux femmes […] les cas de possédés jebola de sexe masculin sont exceptionnels » (Korse et al. 1990 : 7). Ce détail fait du jebola une danse pour femmes. Une danse qui, à l’origine (il y a environ un siècle aujourd’hui), avait comme acteur principal une femme dénommée Bolumbu. Il est rapporté à ce sujet que tout a commencé avec celle-ci à Boyeka, un village situé sur la rive droite de la rivière Lulonga, entre Losombo et Mampoko. Atteinte d’une maladie que les guérisseurs locaux ne parvenaient pas à guérir, Bolumbu s’enfuit en catastrophe dans la forêt. Plusieurs jours ayant passé, les villageois la donnèrent pour morte, mais un nkanga («un devin»), du nom de Longenga, leur redonnera espoir, jusqu’à convaincre ceux qui croyaient en lui de battre les tam-tams et les tambours sans se fatiguer pour voir Bolumbu leur revenir. Les villageois finirent par donner raison au nkanga, car Bolumbu réapparut après les efforts prolongés de ceux qui s’étaient engagés à offrir le spectacle musical demandé.
La réapparition de Bolumbu, qui présentait les signes d’une personne possédée par les esprits, sera suivie de l’élaboration, par le nkanga (« sur instruction des esprits »), d’un cadre référentiel de traitement de la «maladie » en question, qui imposa l’internement du sujet malade.
Ce contexte ne reflète pas moins une logique de spectacle, qui caractérisa définitivement la thérapie jebola, reconnaissable par: a) quelques signes distinctifs que doit présenter la malade tout au long du traitement; b) les chants et danses appropriés que le nkanga doit lui apprendre, et qui lui seront utiles à l’étape décisive du « jojà » (la sortie solennelle, lors de laquelle le public sera gratifié de quelques séquences de danse offertes par l’ex-malade guérie).
1.1.2. Une danse portée par les sons du tam-tam et des chants
Le spectacle de danse (d’une durée de plus ou moins deux heures) que présente l’acteur principal (la malade) le jour de sa sortie solennelle, après plusieurs mois d’internement chez le nkanga, est attrayant, même s’il effraie parfois les enfants. Cela au vu de la « transfiguration» de la malade, qui se constate à travers des signes, déjà relevés, qu’elle arbore désormais: l’esumbu, un chapeau fabriqué avec de longues plumes d’oiseaux différents; un ngonga, une sonnette qui fait des bruits à chaque mouvement de la danseuse et, surtout, le ngola, ou fard rouge, avec lequel est fabriquée une patte servant à colorer le corps et l’eengo, ou le kaolin blanc, pour colorer le visage afin de « se protéger contre les mauvais esprits ». En dehors de cet aspect insolite, Ellen Corin (Corin 1976 : 46) ajoute un autre détail significatif, qui colore encore le spectacle jebola : « les mouvements de la danse jebola doivent ressembler aux ondulations qui parcourent les anneaux du vers palmiste ».
1.1.3. Deux sous-composantes du jebola
a) La danse Esombi
Malgré l’accent mis sur le jebola comme étant une danse réservée aux femmes, Korse et al. (1990) estiment qu’il est important de citer aussi le cas de l’esombi et de l’enyeme. Au sujet de la première, ils rapportent que :
« […] il ne s’agit pas de la possession d’une femme, mais d’un homme […] Le patient d’esombi ne danse pas à n’importe quelle occasion. Il lui faut une raison propre pour danser. Cette raison la voici: si la nuit, dans un rêve, les mânes lui révèlent qu’un sorcier vient d’entrer dans leur village pour “manger” ; il monte alors son jeu d’esombi: on porte à la connaissance de tous les habitants du village qu’un tel va exhiber la danse esombi. Ainsi, tout le monde, tant possédés que des gens normaux, viendra ce jour-là pour admirer la danse. Le danseur fait des exhibitions, plaît au public, mais finit par attraper le sorcier. »
b) La danse Enyeme
«La danse enyeme est une danse joyeuse exécutée par toutes les guérisseuses et leurs anciennes malades en mémoire de leurs regrettées compagnes. On danse aussi l’enyeme en souvenir d’un homme qui, de son vivant, accompagnait les femmes jebola […]. »
1.1.4. Observation importante
Le jebola, en tant qu’important et complexe rite de guérison, a le mérite de fournir aux observateurs les éléments de compréhension de l’importance ou de la signification sociale des musiques et des danses chez les peuples mongo. Pour le cas du rite jebola ou d’autres (à l’instar du wale, chez les Ekonda et les Ntomba, accompagnant le sevrage des femmes primipares), les musiques et les danses ont une fonction non négligeable : accompagner leurs processus et/ou leur aboutissement. À l’opposé de ces musiques et de ces danses, il en existe d’autres, dont la fonction essentielle est simplement de meubler fortuitement des cérémonies à certains moments précis.
1.2. Les chants et danse de la sortie de wale
Danse Walé, ethnie Ekonda
Le rite de sevrage des femmes primipares évoqué ci-dessus, appelé « wale », chez les Ekonda et les Ntomba de Bikoro, partage une certaine ressemblance avec le jebola :
a) l’internement ou la « réclusion» (de 2 ans ou plus, dans sa famille) de la personne concernée qui, à l’occasion, se fait identifier par le même nom que ce rite (wale) ;
b) le principe que le sujet concerné adopte un accoutrement singulier;
c) et, surtout, le recours à la combinaison chants spécifiques et danse spectaculaire pour meubler l’ultime et solennelle cérémonie de la fin du sevrage, c’est-à-dire la « sortie » de wale pour regagner son toit conjugal.
Ce qui est particulièrement intéressant ici c’est le spectacle dansant offert par la wale.
«La fin de son isolement est marquée par des danses et des chants rituels extrêmement codifiés qui sont, à chaque fois, une création unique propre à chaque wale », raconte Patrick Willocq, qui y a consacré un film à succès intitulé Je suis wale, respectez-moi. Cet auteur, fasciné par ce qu’il a vu à plusieurs reprises, a trouvé des mots justes, considérant ledit rituel « comme un magnifique hommage à la maternité, à la fertilité et à la féminité ».
1.3. Les chants et danses des jumeaux
La naissance de jumeaux est un fait exceptionnel qui exige un rite spécial destiné à «sécuriser» les enfants concernés. À l’Équateur, les peuples s’adonnent à un semi-rituel variant légèrement au regard des particularités de chaque groupe. Chez les Mongo, par exemple, on fête la naissance des jumeaux en carnaval dansant, lors de leur «sortie solennelle». L’heureuse mère, parée des symboles des jumeaux tels que les rameaux (au cou) et les décorations du visage avec du kaolin, accompagnée parfois du père, se fait entourer des femmes portant les bébés honorés et des membres de la famille, sans oublier les badauds intéressés, pour descendre dans la rue au son d’un chant cadencé reprenant l’onomatopée «iye-li yé yé». Une personne l’entonne, égrenant les appellations consacrées des enfants en question («Mboyo» et «Boketshu») suscitant l’empressement, chez les autres membres de ce groupe joyeux, de reprendre en chœur le refrain.
Dans les milieux ruraux, le spectacle se fait au domicile des parents avant de gagner la rue, tandis qu’aujourd’hui, en ville, il commence à la sortie de la maternité pour se répandre ensuite dans la rue menant vers le domicile des parents. Ces deux environnements se partagent néanmoins une tradition singulière liée à la naissance des jumeaux chez les Mongo. Elle consiste à faire ponctuer cette occasion de joie immense par quelques termes ou mots obscènes, en guise de catharsis.
1.4. Le bobongo-iyaya
L’Équateur se distingue aussi par ses « ballets ancestraux », le bobongo, un genre de musique et de danse pratiqué surtout chez les peuples ekonda. L’iyaya représente une variante plus ancienne de celui-ci. En effet, comme on le verra ci-après, les superstructures présentes dans le bobongo, soutenant parfois des nacelles amenées à glisser sur des « rails » en lianes, relevaient initialement d’une danse plus ancienne, connue sous le nom d’iyaya. Cette chorégraphie existait notamment chez les Ekonda et les Iyembe. À la différence du bobongo, l’iyaya accordait une place importante aux danses et aux acrobaties. Bien que l’iyaya ait été en quelque sorte incorporé au bobongo, que tout danseur de bobongo connaissait normalement l’iyaya, et que le nyang’e nkoso du bobongo fût normalement responsable de l’iyaya, il faut toutefois noter qu’il n’y avait pas de véritable amalgame. Chaque danse demeurait bien identifiable. Ainsi, dans la chorégraphie bobongo, la séquence connue sous le nom d’ibuleyo (dans laquelle interviennent les superstructures) est celle qui illustre le plus clairement les danses de l’iyaya avec une autre séquence à prédominance acrobatique, connue sous le terme éponyme d’iyaya.
2. Musiques et danses des Ngombe
Il existe peu d’études élaborées par des pionniers (ethnographes) sur les Ngombe. Toutefois Herman Burssens, dans son livre intitulé Les peuplades de l’entre Congo-Ubangi (Ngbandi, Ngbaka, Mbandja, Ngombe et Gens d’eau), met en évidence une danse largement partagée par plusieurs groupements ngombe éparpillés dans l’Équateur, la Mongala, le Sud-Ubangi et le Nord-Ubangi. C’est l’ikbeti ou likpeti (Burssens 1958 : 167). Cet auteur, citant Van Thiel, décrit ladite danse en ces termes: «une des rares danses pendant lesquelles les chefs et les notables font usage de leurs couteaux de parade (mipamba et ngbangba), […] dure deux jours et le point culminant consiste dans la décapitation d’un seul coup d’une chèvre (jadis d’un esclave) ».
Des investigations auprès de certains membres de ce grand groupe à Kinshasa ont permis de renseigner sur quelques danses et musiques prisées par les leurs: le mosingo, l’esembe, le bwae et l’isango.
2.1. Le Mosingo
C’est une musique d’invocation des esprits des anciens, supposée aider à résoudre certains problèmes cruciaux de la société. La voix prépondérante ici est celle des nganga, à qui est reconnu un pouvoir de médiation entre les vivants et les morts.
2.2. L’Esembe
C’est une danse pour femmes: elle les aide à conjurer les maux liés à l’interdit d’entrer pour travailler dans la forêt un certain jour de la semaine (mercredi).
2.3. Le bwae
C’est une musique spéciale exploitée à l’occasion de la célébration de la fin du sevrage des jeunes femmes primipares, un peu du genre de celle exploitée à la sortie du wale chez les Ekonda et les Ntomba.
2.4. L’isango
C’est un chant spécial, servant à agrémenter la fin de la cérémonie d’initiation des jeunes filles honorées dans certaines circonstances par la société.
3. Musiques et danses des Gens d’eau
L’histoire écrite des danses et musiques pose problème chez les Gens d’eau (Likoka, Bamwe, Limbinza, Baloi, Bankutu…) Plusieurs informations recoupées nous permettent d’aller au-delà de l’éclairage sommaire fourni, sur ce sujet, par Herman Burssens (1958: 167) : « les Gens d’eau auraient des danseurs professionnels qui tiennent lieu entre autres de maîtres de cérémonie lors des danses funéraires: l’ebala, une danse mixte dansée après l’enterrement d’un homme et la muntembe, une danse de femmes exécutée lors du décès d’une femme». Cette particularité démontre la richesse musicale des Gens d’eau, laquelle se manifeste encore davantage à travers les chants et danses suivants: le lingando, le limongi et le ngope.
3.1. Le lingando
Cette danse trouverait son origine chez les Bamwe, avant d’avoir gagné presque tous les Gens d’eau. On recourt à elle à des occasions importantes de divertissement (fêtes de mariage, de retrait de deuil, du Nouvel An…). Il s’agit d’une danse de remuement des hanches et de hochement des épaules, réunissant les hommes et les femmes dans un grand cercle, où se succèdent un à un des danseurs à tour de rôle pour animation. Le lingando est associé à deux autres danses: le moseki et le binengi.
3.2. Le limongi
Danse des Limbinza, elle se manifeste par les coups de hanches des acteurs. On s’en sert habituellement dans certaines cérémonies d’initiation.
3.3. Le Ngope
La danse Ngope aurait son origine chez les Mangala-ma-Liboko. On s’en sert dans la lutte traditionnelle pongo. Les exécutants se mettent en cercle pour danser en chantant pendant que les lutteurs programmés se livrent au mokato (c’est-à-dire qu’ils s’affrontent) à l’intérieur du cercle formé par les danseurs du jour. Le chant et la danse sont aussi de mise avant l’entrée en scène des lutteurs, à l’étape préparatoire du spectacle.
4. Quelques autres danses
L’Équateur regorge également de danses et de musiques de loisirs habituels: une rencontre quelconque de jeunes filles qui se transforme en une scène de danse par le vouloir d’un aîné, l’occasion d’une rentrée au village d’un leader des jeunes, qui conduit à l’organisation rapide d’un spectacle dansant le soir, etc. Sont à citer à titre illustratif au moins deux danses ayant ces caractéristiques, chez certains Mongo et dans la ville de Mbandaka : le bayonga et le bofenya.
4.1. Le Bayonga
C’est une danse de très jeunes filles servant aux divertissements des adultes, à Basankusu et dans plusieurs autres localités mongo. Les choses sont organisées ici un peu à l’image des loisirs pour fillettes et filles dans les écoles maternelles et primaires d’aujourd’hui. Sont réunies une dizaine ou une vingtaine de jeunes filles légèrement habillées, parées de jupettes en raphia ou en rameaux de palmiers et alignées au son des chants entonnés par une « responsable » et repris par les badauds les entourant.
4.2. Le Bofenya
Il s’agit d’une danse de grands jeunes garçons et de filles, chez les Mongo. Elle s’exécute exclusivement la nuit, surtout au clair de lune, au rythme du tam-tam et de chants appropriés connus des intéressés. Ces danseurs de circonstance se meuvent avec enthousiasme, dans un exercice d’entrée et de sortie dans un grand cercle qui se forme à cette occasion festive. On chante et danse parfois jusqu’au petit matin. Le bofenya avait pris beaucoup d’ampleur dans la ville de Mbandaka dans les années 1960 et 1970, avec la montée du mouvement des Bill (jeunes au comportement influencé par le cinéma occidental, dont les films westerns) ; la « liberté », copiée par la plupart auprès des acteurs pris pour modèles, leur permettait des escapades nocturnes qui passaient pour des sorties justifiées en famille par la participation au bofenya. Ce nouvel esprit ira jusqu’à influencer la tradition des chants consacrés, en ajoutant des mélodies faites en argot local en plus de celles (traditionnelles) en langue lomongo.
4.3. Le lingando
Danse des Limbinza dont l’origine se situe chez les Bomwe.
Conclusion
Ce qui précède démontre la richesse musicale de l’Équateur. Il convient cependant de noter que certains rites cités ont relativement perdu de leur importance, en raison notamment des influences d’ordre religieux (notamment avec la montée des églises dites de réveil), mais ils ne méritent pas moins d’être cités parmi les facteurs sociaux (actifs ou passifs) « créateurs d’avenir » pour leur région et pour leur pays. Pour Manda Tchebwa (199 : 39) ce sont « ces musiques et danses de la forêt naturelle [de l’Équateur] qu’exploiteront plus tard certains musiciens de Kinshasa pour les insérer dans un art musical appelé à s’urbaniser (Lita Bembo dans la série Ekonda Saccadé, Boketshu 1er, Baoto Don Camilo et le Swede Swede) […] ».
Ces musiques et danses ont donc enrichi ce qui est appelé désormais la « rumba congolaise », en tant qu’« art musical », mais également en tant que « symbole du pays ». L’illustration de ce symbole s’aperçoit notamment à travers les hommes incarnant le succès de cet art, comme on le constate avec la percée sur les scènes musicales congolaises des musiciens originaires de l’Équateur: Jeannot Bombenga (territoire de Basankusu), Bombolo wa Lokole «Bolhen» (territoire de Basankusu), Empompo Loway (territoire de Basankusu), Evoloko Lay Lay alias Jocker (territoire de Bolomba), Alain Mpela (territoire de Bikoro), Thomas Lokofe…
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Troisième partie : Domination européenne, organisation politique et administrative
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Date de dernière mise à jour : vendredi, 01 mars 2019